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L'ABUS DE LA GRÂCE


Le potentiel que représente « l’abus de la grâce » m’est apparu avec force lors d’une conversation que j’ai eue avec un ami que j’appellerai Daniel.


Tard un soir, j’étais assis dans un restaurant et j’écoutais pendant que Daniel me confiait qu’il avait décidé de quitter sa femme après quinze ans de mariage. Il avait trouvé quelqu’un de plus jeune et de plus jolie, quelqu’un « qui fait que je me sente plein de vie, chose qui ne m’est pas arrivée depuis des années ». Sa femme et lui n’avaient pas d’incompatibilités majeures. Il voulait simplement changer, comme un homme a une irrésistible envie de changer de voiture.


Daniel, qui est chrétien, connaissait très bien qu’elles étaient les conséquences personnelles et morales de ce qu’il envisageait de faire. Sa décision de partir allait infliger des blessures permanentes à sa femme et ses trois enfants. Malgré cela, me confiait-il, la force qui l’attirait vers l’autre femme, comme un puissant aimant, était trop forte pour qu’il puisse y résister.


J’écoutais l’histoire de Daniel avec tristesse et chagrin, parlant peu tandis que j’essayais d’absorber la nouvelle. Puis pendant le dessert, il lâcha la bombe : « en fait, Philip, j’ai un programme. La raison pour laquelle je voulais te voir ce soir, c’était pour te poser une question qui me turlupine. Tu étudies la Bible. Crois-tu que Dieu peut me pardonner pour quelque chose d’aussi terrible que ce que je suis sur le point de faire ? » La question de Daniel était là, devant moi, comme un serpent vivant sur la table. J’ai réfléchi dur et longtemps sur la répercussion de la grâce. Comment puis-je dissuader mon ami de commettre une erreur terrible, s’il sait que le pardon est pour demain ? …


Voici, en un mot, ce que j’ai dit à mon ami Daniel. « Est-ce que Dieu peut te pardonner ? Bien sûr. Tu connais la Bible. Dieu utilise les meurtriers et les adultères. Bon sang ! Deux fripouilles appelées Pierre et Paul dirigèrent l’église du Nouveau Testament. Le pardon, c’est notre problème, pas celui de Dieu. Ce que nous traversons pour commettre un péché nous éloigne de Dieu - nous changeons par l’acte même de rébellion - et il n’y a aucune garantie que nous reviendrons un jour en arrière. Tu m’interroges maintenant sur le pardon, mais le voudras-tu plus tard, surtout si cela implique la repentance ? »


Plusieurs mois après notre conversation, Daniel fit son choix et quitta sa famille. Je ne vois toujours aucun signe de repentance. Il a maintenant tendance à rationaliser sa décision comme un moyen pour lui d’échapper à un mariage malheureux. Il a étiqueté la plupart de ses anciens amis comme « trop étroits d’esprit et porteurs de jugements », et recherche plutôt les gens qui célèbrent sa liberté nouvellement trouvée. Pour moi, cependant, Daniel n’a pas l’air très libéré. Le prix de la « liberté » a signifié qu’il a tourné le dos à tous ceux qui l’aimaient le plus. Il me dit aussi que Dieu ne fait pas partie de sa vie en ce moment. « Plus tard, peut-être » dit-il….


Jude, l’auteur biblique, avertit qu’il est possible de « changer en dérèglement la grâce de notre Dieu. » Même pas une insistance à la repentance n’efface complètement ce danger. Mon ami Daniel était d’accord, en théorie, sur le besoin de repentance, et il manigançait pour exploiter une échappatoire de la grâce en obtenant ce qu’il voulait maintenant et en s’en repentant plus tard. Tout d’abord, une idée tortueuse se forme derrière la tête. « C’est quelque chose dont j’ai envie. Ouais, je sais que c’est mal. Mais pourquoi que j’le ferais pas quand même ? J’peux toujours me faire pardonner plus tard ». L’idée grandit et devient une obsession, et, en fin de compte, la grâce devient un « permis d’immoralité »…


Si nous approchons Dieu avec une attitude de « comment est-ce que je peux m’en tirer à bon compte ? », cela prouve que nous n’avons pas compris ce que Dieu a en tête pour nous. Il veut quelque chose qui va bien au-delà de la relation que je pourrais avoir avec un négrier, qui se fera obéir à l’aide d’un fouet. Dieu n’est pas un patron ou un directeur d’entreprise ou un génie magicien que nous servons à notre gré….


En vérité, Dieu veut quelque chose de plus intime que la relation la plus intime qui existe sur terre : L’attachement à vie entre un homme et une femme. Ce que Dieu veut n’est pas une bonne représentation, mais mon cœur. Je fais de « bonnes œuvres » pour ma femme non pour obtenir de la reconnaissance, mais pour exprimer l’amour que je lui porte. De même, Dieu veut que je serve « sous le régime nouveau de l’Esprit », non parce que j’y suis contraint mais parce que je le désire….


Si nous comprenons ce que Christ a fait pour nous, alors, assurément, par gratitude, nous nous efforcerons de nous montrer « dignes » d’un aussi grand amour. Nous nous évertuerons à acquérir la sainteté, non pas pour que Dieu nous aime, parce qu’Il nous aime déjà…

La meilleure raison d’être bon est de vouloir l’être. Un changement intérieur exige une relation. Elle exige l’amour… Une personne qui aime véritablement Dieu aura envie de plaire à Dieu.

Si nous avons vraiment saisi la merveille de l’amour de Dieu pour nous, la question sournoise : Comment est-ce que je peux m’en tirer à bon compte ? – ne nous viendrait même pas à l’idée. Nous passerions notre vie à sonder, et non à exploiter la grâce de Dieu.

Philip Yancey

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