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LE VOILE DE LA CHAIR


Le voile a été ôté par la déchirure du corps de Jésus, et rien de la part de Dieu ne nous empêche d’entrer dans le saint des saints; pourquoi nous attardons-nous au dehors ? Pourquoi consentons-nous à demeurer chaque jour de notre vie à l’extérieur du saint des saints sans jamais entrer pour contempler Dieu ?

Nous entendons l’époux dire : " Laisse-moi contempler ton visage, fais-moi entendre ta voix, car ta voix est douce et ton visage aimable. », Nous sentons que cet appel s’adresse à nous, mais nous ne nous approchons toujours pas, et les années passent et nous vieillissons, et nous nous fatiguons dans les cours extérieures du tabernacle.

Qu’est-ce donc qui nous retient ?


La réponse que l’on donne généralement, à savoir tout simplement que nous sommes « froids », n’expliquera pas tout. Il y a quelque chose de plus sérieux que la froideur du coeur, quelque chose qui peut se cacher derrière cette froideur et qui en est la cause. Qu’est-ce que c’est ? Pas autre chose qu’un voile dans nos coeurs. Un voile qui n’a pas été ôté comme l’a été le premier voile, mais qui reste là, masquant la lumière et nous dérobant la face de Dieu. C’est le voile de notre nature charnelle déchue qui continue de vivre dans le péché, sans même que nous lu portions de jugement ou la crucifiions ou la répudiions. C’est le voile étroitement tissé d’une vie personnelle égoïste que nous n’avons jamais vraiment reconnue comme telle, dont nous avons eu honte et que, pour ces différentes raisons, nous n’avons jamais remis au jugement de la croix. Ce voile opaque n’est pas si mystérieux ni si difficile à identifier. Il nous suffit de regarder dans notre propre coeur et nous l’y verrons, peut-être cousu, rapiécé et raccommodé, mais là néanmoins, ennemi de notre vie et véritable obstacle à notre progrès spirituel.

Ce voile n’est pas une belle chose et ce n’est pas une chose dont on parle généralement, mais je m’adresse aux âmes assoiffées qui ont décidé de suivre Dieu, et je sais qu’elles ne feront pas marche arrière, même si le chemin les conduit temporairement à travers de sombres vallées. L’appel de Dieu en eux assurera qu’ils continuent leur quête. Ils regarderont les faits, aussi déplaisants soient-ils et ils endureront la croix pour la joie qu’elle leur fait entrevoir.


Je n’ai pas peur de donner un nom à ces fils dont ce voile intérieur est tissé. Il est tissé des fils ténus de la vie égoïste, des péchés auxquels s’attache l’esprit humain. Ces péchés ne sont pas ce que nous faisons, mais ce que nous sommes, et en cela réside à la fois leur subtilité et leur pouvoir.


Pour être précis, les péchés de la vie égoïste sont les suivants :

  • pratiquer sa propre justice

  • s’apitoyer sur son sort

  • avoir confiance en soi

  • se suffire à soi-même

  • s’enorgueillir

  • être épris de soi

et une foule d’autres péchés qui leur ressemblent.Ils sont trop ancrés en nous et font trop partie de notre nature pour que nous y prêtions attention jusqu’à ce que la lumière de Dieu les mette en évidence.

Les manifestations les plus flagrantes de ces péchés, à savoir :

  • l’égoïsme

  • l’exhibitionnisme

  • l’arrivisme

sont étrangement tolérés par les dirigeants chrétiens, même dans les cercles d’une impeccable orthodoxie. Ils sont tellement mis en évidence que beaucoup de gens vont jusqu’à les confondre avec l’Evangile. Je pense que ce n’est pas cynique de dire qu’ils apparaissent aujourd’hui comme un instrument de popularité dans certaines sections de l’église visible. Favoriser son propre avancement sous le couvert de faire avancer le règne de Christ est si banal et si courant que cela éveille peu l’attention.


On pourrait supposer qu’une instruction adéquate en ce qui concerne l’homme pécheur et la nécessité d’être justifié par la seule justice de Christ nous délivrerait de la puissance des péchés du moi égoïste; mais il n’en est pas ainsi. Le moi pécheur peut vivre sans se repentir jusque devant l’autel même. Il peut regarder la victime sanglante mourir et ne pas être le moins du monde touché par ce qu’il voit. Il peut lutter pour la foi des réformateurs et prêcher avec éloquence le credo du salut par grâce et gagner de la force par ses efforts personnels. Pour dire toute la vérité, il semble réellement se nourrir d’orthodoxie et est plus à l’aise dans une conférence biblique que dans une taverne. Même notre aspiration après Dieu peut fournir au moi un excellent moyen de prospérer et de grandir.


Le moi est le voile opaque qui nous cache la face de Dieu. Il ne peut être ôté que par une expérience spirituelle, jamais par une simple instruction. Autant essayer au moyen de l’instruction, d’enrayer la lèpre de notre système. Il faut que Dieu détruise avant que nous puissions être libres.

Nous devons permettre à la croix d’opérer ce travail de destruction en nous.

Nous devons apporter nos péchés personnels devant la croix afin qu’ils y soient jugés. Nous devons nous préparer, dans une certaine mesure, à une épreuve de souffrance comme celle de notre Seigneur quand il souffrit sous Ponce Pilate.


Rappelons-nous ceci : quand nous parlons de la déchirure du voile, nous utilisons un langage imagé, et la pensée en est poétique, presque agréable; mais dans la réalité, il n’y a rien d’agréable en elle. Dans l’expérience humaine, ce voile est fait de tissu spirituel vivant ; il est composé d’une matière sensible et vibrante dont est constitué tout notre être, et y toucher, c’est nous toucher là où nous souffrons. L’arracher, c’est nous blesser, nous faire mal et nous faire saigner. Et dire autrement, c’est nier la croix et la mort. Il n’est jamais drôle de mourir. Tailler dans cette matière sensible et tendre dont est faite la vie ne peut-être que profondément douloureux. Cependant, c’est exactement ce que la croix a fait à Jésus, et c’est aussi ce que la croix doit faire à tout homme pour le rendre libre.


Prenons garde de ne pas nous occuper nous-mêmes de notre vie intérieure dans l’espoir de briser ce voile par nous-mêmes. Dieu doit faire toute chose pour nous. Notre rôle est de céder et d’avoir confiance. Nous devons nous confesser, nous abandonner, répudier le moi, et puis le compter comme crucifié. Mais nous devons faire attention à bien distinguer entre l’ "acceptation" paresseuse et l’oeuvre réelle de Dieu. Nous devons insister pour que cette oeuvre s’accomplisse. Nous n’oserons pas nous contenter d’une doctrine précise sur la crucifixion du moi. Faire cela, ce serait imiter Saul et épargner le meilleurs d’entre les moutons et les boeufs.


Insistez pour que cette oeuvre soit faite en toute vérité, et elle le sera. La croix est rude et elle est un signe de mort, mais elle est efficace. Elle ne garde pas sa victime pendue au bois pour toujours. Il vient un moment où son oeuvre est accomplie et où la victime qui souffre meurt enfin. Après cela, viennent la résurrection, la puissance et la gloire ; et la souffrance est oubliée à cause de la joie qu’on a de voir ce voile ôté et d’entrer dans la présence du Dieu vivant par une expérience spirituelle véritable.


A.W. TOZER


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