top of page

QU'AI-JE- FAIT ?




« Qu’ai-je fait ? » (Jér 8:6).


Il n’est pas d’image qui nous représente Dieu d’une manière plus saisissante et qui nous fasse mieux comprendre sa miséricorde, que ces figures de langage qui nous le montrent se penchant vers nous du haut de son trône, et descendant jusqu’à nous pour répondre aux cris de détresse de l’humanité souffrante et pour contempler ses douleurs. — Comment ne pas ressentir de l’amour pour ce Dieu qui, alors que Sodome et Gomorrhe souillaient la terre de leur iniquité, ne voulut pourtant pas détruire ces cités coupables, quoi qu’il ait connu toute l’étendue de leurs crimes, avant de les avoir visitées et d’avoir séjourné quelque temps dans leurs murs ! Nous ne saurions, il me semble, nous empêcher, dans un sentiment de profonde gratitude, d’ouvrir et de répandre nos cœurs devant ce Dieu qui, du sein de sa gloire, incline son oreille sur les créatures les plus abjectes et les plus méprisées, pour faire naître en elles ce bon désir qu’il se propose d’exaucer. Comment ne pas l’aimer quand nous apprenons que son attention est fixée sur tout ce qui nous concerne, qu’il compte jusqu’aux cheveux de notre tête, qu’il ordonne à ses anges de guider nos pas, de peur que nous nous heurtions contre la pierre, et qu’il nous marque d’avance notre sentier et chacune des empreintes de nos pas ! Enfin comment ne serions-nous pas émus surtout quand nous considérons à quel point ce Dieu plein de tendresse est attentif non seulement aux intérêts temporels de ses créatures, mais aussi à leurs intérêts spirituels ? L’Écriture nous représente l’Éternel comme attendant le moment où Il pourra faire grâce, et où, suivant le langage de la parabole, semblable à ce père qui aperçoit son enfant prodigue tandis qu’il est encore éloigné, Il pourra s’élancer à la rencontre du pécheur, le presser sur son cœur et lui donner le saint baiser de paix. Il est tellement attentif à tout ce qui est bon, même dans un cœur souillé par le péché, qu’un soupir est pour Lui la plus douce des mélodies, et une larme, le plus précieux des trésors.


Dans le verset que je viens de lire, Dieu se montre à nous comme se penchant sur le cœur de l’homme et prêtant l’oreille, dans l’espoir de découvrir peut-être quelque symptôme heureux. « Je me suis rendu attentif et j’ai écouté. » Et puis, spectacle bien plus touchant encore ! Le voici qui se détourne en quelque sorte avec douleur, en s’écriant : « Je me suis rendu attentif et j’ai écouté, mais nul ne parle selon la justice ; il n’y a personne qui se repente de son péché et qui dise : Qu’ai-je fait ? » — Ah ! Mon cher auditeur, il n’est aucune de vos aspirations vers Dieu qui n’attire aussitôt sa suprême attention et son espérance. Chaque prière qui s’échappe de ton cœur lui est chère, et quoique tes prières n’aient été trop souvent que passagères comme les vapeurs du matin ou comme la rosée de l’aurore, elles ont toujours ému les entrailles de l’Éternel, car Il n’a cessé de prêter l’oreille à tes cris et de surveiller les pulsations de ton cœur. Tu as tout oublié, toi ; tu n’y as pas pris garde ; mais Il se souvient de tout cela, et le souvenir en est maintenant encore gravé dans son immuable mémoire. Et toi qui, en ce jour, peut-être, cherches ton Sauveur, sache que ses yeux sont déjà sur toi. Celui que tu cherches n’est point aveugle. Tu cherches ton Père, et ton Père te voit déjà, quoique tu sois encore éloigné. Tout ton repentir n’a encore pu arracher qu’une seule larme peut-être à ton cœur de pierre ; mais cette larme, Il l’a vue et l’a saluée comme un signe de bon augure. Tu n’as pu jusqu’ici pousser qu’un seul sanglot, peut-être, à la pensée de tes péchés, mais ce sanglot ne lui a pas échappé, et Il s’en est réjoui dans son amour comme d’une preuve que tu n’étais pas encore entièrement endurci par l’iniquité et abandonné par la miséricorde.


Notre texte est : « Qu’ai-je fait ? » Je me propose d’en commencer l’exposition par quelques paroles persuasives et pressantes, dans le but de vous décider à vous poser vous-mêmes cette question ; ensuite j’essaierai de vous aider à y répondre, et enfin je terminerai par de solennels avertissements adressés à ceux qui, par cette réponse, ont été forcés de se condamner eux-mêmes.


I.


Commençons donc par quelques paroles pressantes, afin que tous, et plus particulièrement ceux qui sont encore inconvertis, consentent à se poser solennellement cette question : « Qu’ai-je fait ? »


Peu de personnes trouvent du plaisir à faire la revue de leur vie passée ; la plupart se sentent, à cet égard, si proche d’une complète banqueroute, qu’elles n’osent pas jeter leurs yeux sur leurs comptes. La grande majorité des hommes partagent le ridicule instinct de l’autruche, qui, se voyant poursuivie, cache sa tête dans le sable et ferme les yeux, croyant que puisqu’elle ne voit plus ceux qui la poursuivent, elle est hors de danger. La très grande majorité des hommes, je le répète, ont honte de jeter leurs regards sur leur biographie, et si la conscience et la mémoire pouvaient devenir les historiographes de chacun, elles n’auraient rien de plus pressé que d’acheter et fixer au volume d’énormes fermoirs, munis d’un bon cadenas, afin de ne plus relire cette terrible histoire. Chacun sait que ce livre de sa vie passée est tellement plein de lamentations et de malheur qu’il n’ose pas le lire, et néanmoins chacun continue à marcher dans son train d’iniquité. Ma tâche est donc bien ardue et difficile, si je veux vous amener tous, qui que vous soyez, à ouvrir ce livre, et, que les pages en soient nombreuses ou non, qu’elles en soient noires ou blanches, il me sera bien malaisé de vous les faire lire jusqu’au bout. Que l’Esprit-Saint veuille donc vous persuader en ce moment de répondre à cette question : « Qu’ai-je fait ? » Soyez sûrs que pareille enquête sur votre passé ne pourra jamais vous causer le moindre préjudice. Jamais négociant ne s’est trouvé appauvri de la plus petite somme pour avoir soigneusement examiné ses livres. Il a pu découvrir qu’il était plus pauvre qu’il ne le croyait d’abord, mais ce n’est pas cette inspection de ses livres qui a causé sa pauvreté. Ce qui l’a appauvri, ce sont les spéculations qu’il a accomplies. Il vaut mieux, après tout, connaître à fond ce passé, pendant que vous pouvez encore y porter remède, que de poursuivre votre route tête baissée, espérant rencontrer la porte de l’éternel paradis, et ne vous apercevant de votre erreur, hélas, que lorsqu’elle sera irréparable et que cette porte vous sera à jamais fermée ! Il n’y a rien à perdre à faire son inventaire, et un peu d’examen de vous-même ne peut aucunement vous nuire. Voilà déjà, je pense, une excellente raison pour vous soumettre à faire cet examen.


Mais, prenez-y garde ! Si, d’une part, il ne peut en résulter pour vous aucun mal, il pourrait en résulter un très grand bien. En effet, supposons que vos affaires avec Dieu soient bien réglées, vous ne pourrez que vous en réjouir et vous encourager, car quiconque est en règle avec Dieu n’a aucune raison de s’affliger. Cependant ne vous faites pas illusion ! Il y a cent à parier contre un que vous êtes loin d’être en règle. Il y en a tant dans le monde qui se trompent eux-mêmes que vous courez de grandes chances d’être du nombre. Vous pourriez avoir la réputation d’être vivants, et être morts ; vous pourriez bien ressembler à cet arbre de Bunyan qui était beau à voir et recouvert d’une luxuriante verdure, mais qui au dedans était pourri ! … Vous pourriez être ici, en présence de vos semblables, proprement vêtus et parés de toute sorte de gracieux atours, et être tels que ces pharisiens auxquels Jésus disait : « Sépulcres blanchis ! Car en dedans vous êtes, comme eux, pleins de pourriture et d’ossements humains. » Tenez ! Vous avez beau vouloir conserver vos illusions ; quant à moi, j’aimerais cent mille fois mieux connaître à fond mon véritable état devant Dieu, que de me bercer des plus riantes pensées et d’avoir à découvrir ensuite ma funeste erreur. Que de fois cette prière est sortie de mes lèvres : « Seigneur, fais que je me connaisse moi-même sous mon jour le plus défavorable, et si je suis encore un apostat, un homme sans Dieu et sans Christ, fais qu’au moins je sois sincère vis-à-vis de moi-même et que je me voie tel que je suis ! »


N’oublie pas, mon cher auditeur, que le temps que tu as pour cet examen de toi-même est très court. Bientôt le grand secret de cette affaire te sera révélé. Je puis manquer aujourd’hui de paroles assez rudes pour déchirer le masque qui recouvre ton visage, mais bientôt s’en présentera un autre qu’on appelle la Mort ! Et celui-là te parlera avec bien autrement de dureté et de sans façon. Aujourd’hui, tu peux encore te déguiser en enfant de lumière, mais la mort t’aura bientôt arraché ce vêtement usurpé, bientôt elle t’aura placé, nu comme la main, en présence de l’auguste tribunal de Dieu, et là on verra à découvert soit ton crime, soit ton innocence. N’oublie pas, enfin, que si tu peux te tromper toi-même, tu ne pourras jamais tromper Dieu. Tu peux te servir du faux poids en te pesant toi-même, et la balance peut être inexacte ; mais quand Dieu te pèsera, la balance de sa justice sera sans nuance aucune d’erreur. Quand Il aura mis sa loi dans l’un des bassins, et qu’il te saisira pour te déposer dans l’autre, ah ! Malheureuse créature, quel tremblement terrible s’emparera de toi ! À moins que Jésus ne soit alors ton Sauveur, tu seras trouvé trop léger et tu seras rejeté pour jamais loin de sa face.


Oh ! Quel langage emploierai-je pour vous décider tous à vous examiner vous-mêmes ? Je connais d’avance les diverses excuses que vous essaierez de m’opposer. Les uns m’objecteront qu’ils sont membres d’une église et que par conséquent ils sont en règle. — Vous me regardez peut-être depuis cette tribune, et vous me dites : « Monsieur Spurgeon, vous m’avez admis au nombre des membres de votre église, et vous m’avez souvent présenté le pain et la coupe de la sainte cène ». — Eh ! Oui, mon cher auditeur, je le sais, et je crains bien d’en avoir admis dans le sein de l’Église visible plusieurs que Dieu n’a jamais admis dans celle qui est invisible. Si Jésus a rencontré un hypocrite parmi les douze disciples qu’il avait choisis, combien pensez-vous qu’il puisse y avoir d’hypocrites dans ces douze cents membres qui m’entourent ? Ah ! Il est bien aisé, en nos jours, de faire profession de christianisme, et un homme peut bien facilement passer pour chrétien, et néanmoins se trouver en définitive classé parmi les apostats et les réprouvés ! Que cela ne vous autorise donc pas à éluder la question, et surtout ne dites pas que vous êtes trop occupé pour vous consacrer à vos affaires spirituelles, et que vous en aurez bien le temps plus tard. Combien qui ont dit cela et qui, avant d’avoir trouvé le temps, se sont trouvés lancés en dehors du temps dans l’éternité ! Ô toi qui prétends avoir « le temps », si tu savais combien la mort est proche de toi ! Il en est ici qui ne verront pas le premier jour de l’année prochaine ; il en est même un grand nombre qui, selon toutes probabilités, ont moins d’une année à vivre. Oh ! Que le Seigneur Dieu veuille nous préparer tous pour la mort et pour le jugement, en nous apprenant à nous poser cette question : « Qu’ai-je fait ? »


* * *


II.


Et maintenant, ma tâche est de vous aider à y répondre.


Chrétien, chrétien de cœur ! J’ai peu de choses à te dire aujourd’hui. Je ne veux pas allonger mon discours, et je préfère déposer cette question sur ta conscience : « Qu’as-tu fait ? » — J’entends ta réponse : « Je n’ai rien fait pour mon propre salut, car dans son éternel amour Dieu a tout fait pour moi. Je n’ai rien fait pour me revêtir de justice devant Dieu, car Jésus a dit : tout est accompli ! Je n’ai rien fait pour gagner le ciel par mes mérites, car Jésus me l’avait mérité par sa mort avant que je vienne au monde. » — Mais, dis-moi maintenant, mon frère, ce que tu as fait pour Celui qui est mort pour le salut de ton âme ? Qu’as-tu fait pour son Église ? Qu’as-tu fait pour le salut de ceux qui périssent ? Qu’as-tu fait pour grandir spirituellement toi-même dans la grâce ? — Ah ! Je pourrais ici vous tancer bien rudement, vous, chrétiens de cœur ; mais je vous laisse en présence de votre Dieu. Il n’appartient qu’au Seigneur de châtier ses enfants. Je veux cependant vous adresser une question : n’y a-t-il pas ici beaucoup de chrétiens qui ne sauraient dire s’ils ont été l’instrument de la conversion d’une seule âme pendant cette année ? Voyons, répondez ! Avez-vous quelque raison d’espérer que vous ayez été, directement ou indirectement, le moyen d’amener une seule âme à Jésus-Christ ? — Je vais plus loin. Je vois parmi vous de vieux chrétiens et je tiens à leur adresser aussi une question : avez-vous quelque raison d’espérer que depuis le moment de votre conversion vous ayez contribué en quelque manière à la conversion d’une seule âme ? … En Orient, au temps des patriarches, on regardait comme un opprobre qu’une femme demeure sans enfants ; mais combien est plus grand l’opprobre d’une âme chrétienne qui est demeurée sans enfants spirituels, qui n’a jamais été en travail d’enfantement pour engendrer une âme au Seigneur ! Et cependant il en est plusieurs parmi vous qui sont demeurés spirituellement stériles, parce qu’ils n’ont jamais contribué au salut de personne, et qui ne porteront dans le ciel qu’une couronne sans étoiles.


Il me semble voir encore le regard radieux de bonheur qu’une fille du Seigneur fixait sur moi il y a quelques jours, tandis qu’on nous apprenait qu’une âme avait été convertie par son moyen. Je lui pris les mains, en lui disant : « Hé bien ! Vous avez de quoi bénir Dieu maintenant ». — « Oh ! oui, me dit-elle, c’est une grande joie et un grand honneur pour moi. Jamais, que je sache, je n’avais servi d’instrument pour conduire une âme au Seigneur. » Et l’humble femme était si heureuse, que ses larmes coulaient en abondance. — Et vous, combien d’âmes avez-vous gagnées à Christ pendant cette année ? Voyons, chrétien, qu’as-tu fait ? Hélas ! Hélas ! Tu n’as pas été précisément comme le figuier stérile, mais bien peu s’en faut, car tes fruits ne se voient point. Un grand nombre d’entre vous ont reçu la vie de Dieu, et sont restés stériles. Serviteurs inutiles et paresseux ! Serviteurs coupables !


Et ne croyez pas qu’en vous reprenant d’une façon aussi sévère, j’entende échapper moi-même à ce reproche. Non, non ! Cette terrible question, je me la pose aussi : « Qu’ai-je fait ? » Et quand je songe à l’activité d’un Whitefield et au zèle dévorant d’une foule de ces grands évangélisateurs de jadis, je demeure comme foudroyé en me voyant si loin de les égaler et je me demande : « Qu’ai-je fait ? » À cette question, je ne puis répondre qu’avec rougeur et confusion de face. Ô chers auditeurs ! Combien de fois ne vous ai-je pas prêché la Parole de Dieu, et combien peu de fois ai-je pleuré sur votre endurcissement, comme doit le faire tout pasteur ! Combien de fois ne vous ai-je pas avertis de la colère à venir sans y avoir apporté toute la sollicitude et toute l’angoisse que j’aurais dû ! Ah ! Je crains que le sang de plusieurs ne se trouve dans les pans de ma robe, au jour où je serai jugé de mon Dieu. Je vous en supplie, priez pour votre pasteur en ce qui concerne cette affaire, et demandez au Seigneur de lui pardonner s’il a manqué de zèle, d’énergie ou d’esprit de prière. Priez surtout pour qu’à l’avenir il lui soit donné de prêcher comme pour la dernière fois, — comme un mourant à des mourants.


Tandis que je questionnais le chrétien tout à l’heure, il me semblait entendre l’homme moral me répondre : « Ce que j’ai fait ? Moi ? Mais … tout ce que j’avais à faire. Il vous est loisible à vous, Monsieur le prédicateur, de monter dans votre chaire et de m’entretenir de péché et du reste. Mais je vous répète que j’ai fait tout ce qu’il était de mon devoir de faire. Je me suis rendu à mon église ou à ma chapelle aussi régulièrement qu’il est possible à une âme vivante. Je n’ai jamais omis de lire la Parole de Dieu à mon culte de famille, ni de faire mes prières le soir en me couchant et le matin en me levant. Je ne dois rien à personne, que je sache, et je n’ai jamais agi durement envers qui que ce soit. J’ai toujours fait une large part aux pauvres, et, si les bonnes œuvres ont quelque valeur aux yeux de Dieu, j’estime avoir fait beaucoup. » — Très bien ! Mon ami ; à merveille, si les bonnes œuvres ont quelque valeur aux yeux de Dieu ; mais le malheur, c’est précisément qu’elles n’en ont aucune ; car, dès que nos bonnes œuvres sont faites pour nous sauver, elles ont exactement la même valeur que nos péchés.


Prétendre gagner le ciel par des bonnes œuvres, autant vaudrait prétendre l’obtenir à force de jurements et de blasphèmes ; car, quoiqu’au point de vue de la morale les bonnes œuvres soient infiniment préférables aux jurements et aux blasphèmes, et quoiqu’il y ait aux yeux de Dieu infiniment moins de péché dans celles-là que dans ceux-ci, ces bonnes œuvres n’en sont pas moins tout aussi dépourvues de mérite devant Dieu que les jurements et les blasphèmes. Veuillez donc vous bien mettre dans l’esprit que tout ce que vous avez accompli pendant tant d’années et jusqu’à ce jour ne vous sert absolument de rien. — « Mais, Monsieur, je me suis aussi confié en Christ. » — Halte-là ! Mon ami. Entendez-vous dire que vous vous êtes confié en partie sur Christ et en partie sur vos bonnes œuvres ? — « Mais, oui Monsieur. » — Hé bien ! Permettez-moi de vous apprendre que le Seigneur Jésus-Christ ne consent pas à jouer le rôle de supplément. Il vous faut accepter Christ pleinement ou vous résigner à vous passer de Lui, car Il ne consentira jamais à partager avec vous la gloire de vous sauver. Ainsi donc, je vous le répète, tout ce que vous avez fait jusqu’ici est de nulle valeur. Vous avez bâti un édifice fondé sur le sable — véritable maison de cartes — dont les vents et l’ouragan feront disparaître jusqu’à la trace. Écoutez donc la Parole du Seigneur : « Personne ne sera justifié par les œuvres de la loi ». — « Maudit est quiconque ne persévère dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi, pour les faire. » Et par cela seul que vous n’avez pas persévéré dans l’accomplissement de toutes ces choses, vous êtes transgresseurs de la loi, vous êtes sous la malédiction, et cette loi n’a qu’un mot à vous dire en réponse à toutes vos allégations : « Maudit ! Maudit ! Maudit ! » Votre moralité ne vous sera d’aucun secours pour votre salut éternel.


Mais deux mots aussi à vous qui me dites : « Hé bien, soit ! Je ne mets aucune confiance dans ma moralité, ni en quoique ce soit ; je m’écrie : laissez-moi, sombres pensées ! Qu’ai-je à m’inquiéter de l’éternité comme vous m’y invitez ? — Mais, Monsieur, je ne suis pas le moins du monde un méchant homme ; si j’ai pu faillir, ce n’est qu’en fort peu de chose : une petite peccadille par ci, par là, à peine une petite folie par hasard ; mais rien, absolument rien qui puisse m’être reproché par mes concitoyens ou mes amis, ni même par ma conscience. Je ne suis pas, il est vrai, de vos saints ; je ne prétends nullement à pareille perfection. J’ai été quelquefois un peu trop loin peut-être, mais ce n’est qu’un peu, et je suis assuré que tout cela pourra se régler à l’amiable avant que la fin vienne. » — Très bien ! Monsieur ; mais j’aurais désiré que vous vous soyez posé la question de mon texte : « Qu’ai-je fait ? » Je suis persuadé que si chacun de vous tous voulait arracher ce voile qui recouvre son cœur et sa vie tout entière, vous apercevriez au-dessous de vos œuvres une hideuse lèpre qui vous ronge.


« Oh ! La belle affaire, en vérité ! » s’écrie quelqu’un. « Parce que j’aurai peut-être pris, à l’occasion, un ou deux verres de trop ! Hé bien ! Après ! » — Un moment, Monsieur ! Comment nommez-vous cela ? … Vous avez beau ouvrir de grands yeux étonnés ; voyons, parlez ! Comment cela s’appelle-t-il ? — « Oh ! Ce n’est qu’un peu de gaîté, Monsieur. » — Non, articulez-moi, vous dis-je, le véritable nom de cette chose-là. Comment l’appelez-vous quand vous l’observez chez quelqu’autre ? Ivrognerie, je pense. Bien ! Et d’une.


Et vous, n’avez-vous rien fait non plus ? — « J’ai parlé un peu légèrement, parfois. » — Et qu’est-ce que cela ? — « Ce n’est qu’un mot de plaisanterie. » — À la bonne heure ! Mais ayez la bonté de l’appeler comme cela doit être appelé : conversation obscène. Prenez-en note. — « Oh ! Non, Monsieur, cela devient trop sérieux. » — En effet, Monsieur ; mais cela ne devient pas plus sérieux que ce ne l’est en réalité.


Dites-moi encore : n’êtes-vous jamais allé en course de plaisir le dimanche ? — « Oh ! Oui, mais seulement de temps à autre, quelques fois à peine. » — Comme vous voudrez ; seulement notons encore ce point, je vous prie, et nous examinerons ensuite la liste. Comment cela s’appelle-t-il ? Violation du dimanche, n’est-ce pas ? — « Arrêtez, Monsieur, vous écriez-vous, je n’ai pas été plus loin ; certainement, je ne suis jamais allé plus loin ! » — Permettez : j’imagine, que dans le cours de votre vie dans telle ou telle occasion, vous vous êtes permis quelquefois de citer dans vos conversations des textes de l’Écriture en plaisantant ; n’est-il pas vrai ? Dans d’autres circonstances, où quelque chose vous étonnait, vous vous êtes écrié : « Dieu me pardonne ! » ou l’équivalent. Je ne veux pas supposer que vous prononciez des jurements ; mais il est aussi certaines manières chrétiennes de jurer que certaines gens adoptent dans la persuasion que ces jurements ne sont pas précisément des jurements. Or, comme personne ne saurait de quel autre nom les désigner, nous les inscrirons : Jurements. — « Mais, Monsieur, ce n’était que lorsque quelqu’un me marchait sur le pied, ou dans un mouvement de colère. » — N’importe ! Notez-le sous son véritable nom. Vous allez voir la belle liste de péchés que nous aurons à vous présenter dans quelques instants !


M’assurez-vous que dans votre commerce vous ne frelatez jamais vos marchandises ? — « Ah ! Pour cela, Monsieur, c’est affaire de commerce, et vous n’avez rien à y voir. » — Cependant j’ai envie de m’en mêler, et, s’il vous plaît, nous le noterons aussi sous son titre légitime : vol.


Je présume que vous ne vous êtes jamais montré impitoyable envers un débiteur. Vous n’avez jamais regretté votre pauvreté, ni même désiré (ou presque désiré) que votre voisin de boutique perde la moitié de sa clientèle pour qu’elle vienne à vous ? Vous ne répondez pas … Hé bien ! Nous le noterons encore en l’appelant par son nom : c’est de la convoitise, qui est une idolâtrie.


La liste me paraît déjà bien noire, en vérité ! … Voyons encore : comment avez-vous passé cette année ? Vous prétendez avoir dit vos prières, mais je vous demande si vous avez réellement prié ? Vous avez quelquefois lu votre Bible et suivi les prédications ; mais, en définitive, n’avez-vous pas laissé tout cela s’évanouir ? En ce cas, je vous demande si cela ne s’appelle pas mépriser Dieu, et sous quel autre nom nous pourrions le noter ?


Bientôt, nous ne pourrons guère aller plus loin, car notre liste offre déjà une somme de péchés effrayante, et bien peu d’entre nous pourront échapper à d’aussi graves reproches, pour peu que nos consciences soient éveillées. Mais voici un homme âgé devenu entièrement indifférent à tout ce qui est moralité ; il se lève et me dit d’un air moqueur : « Ah ! Jeune homme, vous voulez savoir tout ce que j’ai fait pendant cette année ? Je vais vous instruire. » — Pardon, Monsieur, je devine déjà suffisamment, et pour le moment je préfère n’en pas savoir davantage. Vous pourrez vous le raconter à vous-même en rentrant dans votre maison. Nous avons autour de nous des jeunes gens, et le récit que vous alliez faire ne serait peut-être pas propre à les édifier. Certaines gens disent de vous que vous n’êtes pas pire que d’autres, ce qui signifie que vous êtes déjà assez mauvais pour qu’ils préfèrent ne pas dire ce que vous êtes. — Croyez-vous donc que dans cette enceinte nous n’ayons jamais de débauchés et de malheureux qui s’adonnent à toutes les plus viles luxures de la chair ? Il me semble voir voler en ce moment les anges du Seigneur au milieu de cette assemblée et poser leur main sur la conscience de plusieurs pour leur révéler les iniquités dans lesquelles ils se sont plongés jusqu’ici. Ah ! Puisse cette simple allusion à ce genre de crimes suffire, par la grâce de Dieu, pour vous réveiller en sursaut. Oui ! Ces crimes, vous pouvez les cacher, vous pouvez les enfouir dans les épaisses ténèbres du passé et vous rassurer par la pensée qu’on ne les retrouvera jamais ; mais sachez bien qu’au jour des grandes rétributions finales tout ce qu’il y a de plus secret sera proclamé en plein soleil, à la face des hommes et des anges !


Et maintenant je voudrais m’adresser plus spécialement à l’homme inconverti et l’aider à répondre à cette question sous un autre point de vue : « Qu’ai-je fait ? » Ô homme, qui vis dans le péché, qui aimes le plaisir bien plus que ton Dieu, qu’as-tu fait ? Sais-tu bien ou bien aurais-tu oublié que pour damner une âme il suffit d’un seul péché ? N’as-tu jamais lu dans l’Écriture que maudit est quiconque pèche, ne serait-ce qu’une fois ? À quel degré de damnation n’es-tu donc pas descendu par suite de tous les péchés que tu as accomplis dans ta vie ? Rappelle-toi, je t’en supplie, ces myriades de transgressions de ta jeunesse et ces autres myriades de ta puberté et de ton âge mur ; et si une seule transgression pouvait déjà ruiner ton âme, quelle ruine que la tienne en ce moment ! Ô homme ! Si une seule vague pouvait t’engloutir pour jamais, que deviendras-tu au milieu de cet océan d’iniquités ? Il suffit d’un témoin pour te condamner en cette affaire… : contemple les nuées de crimes qui sont déjà rassemblées contre toi autour du trône du jugement et qui sont allées t’y attendre ! Quand Dieu te sommera de comparaître à ton tour, comment échapperas-tu à leur témoignage accusateur ? — Qu’as tu fait ? Ô homme ! Réponds à cette question terrible. Ton péché a engendré une foule de conséquences, et pour répondre convenablement à cette question, il te faut y répondre sur chacune de ces conséquences. Qu’as-tu fait à ton âme ? Tu l’as détruite ; tu as fait tout ce qu’il fallait pour la ruiner éternellement ; tu lui as creusé une prison dont elle ne pourra plus sortir ; tu lui as préparé un bûcher ardent ; tu lui as forgé des chaînes de fer, des chaînes, dis-je, pour la lier éternellement sur ce bûcher et un bûcher pour la brûler aux siècles des siècles !


Souviens-toi que les péchés sont comme la semence qui prépare la moisson : quelle moisson que celle que tu as préparée à ta pauvre âme ! Tu as semé le vent et tu récolteras le tourbillon ; tu as semé l’iniquité et tu récolteras la damnation. — Et puis, qu’as-tu fait contre l’Évangile ? … Combien de fois ne l’as-tu pas entendu prêcher pendant ta vie ! Hélas, depuis ton enfance, c’est par centaines que l’on peut compter les sermons vainement prêchés à tes oreilles. Pendant ta jeunesse, tes parents ont prié pour toi ; ils t’ont fait instruire jusqu’à ta puberté : depuis lors, que de larmes tu as fait verser à ton pasteur ! Que d’appels pressants ont été enfoncés comme autant de dards dans ta conscience ! Mais tu as toujours retiré le fer. Les ministres du Seigneur ont été rongés d’angoisse au sujet de ton salut, tandis que toi-même tu ne t’en inquiétais nullement. — Qu’as-tu fait contre Christ ? … Christ, ne l’oublie pas, a été ici pour nous un doux et tendre Sauveur, et, de même que l’huile, cette plus douce des substances, est celle aussi qui brûle le mieux, de même aussi personne ne sera plus enflammé de sainte colère que l’Homme doux et humble de cœur, alors qu’il viendra pour te juger. L’amour qui a été méprisé est plus terrible que le lion qui fond sur sa proie. Si tu as méprisé Jésus sur sa croix, attends-toi à un jugement terrible de la part de Jésus sur son trône.


Encore un mot. Qu’avez-vous fait pour vos enfants ? … Oh ! Il y en a plus d’un ici qui ont fait tout ce qu’il était possible de faire pour perdre l’âme de leurs enfants ! Qu’elle est grande et solennelle la responsabilité qui pèse sur chaque père ! Et que dire de la responsabilité d’un père qui se livre à l’ivrognerie ? D’un père qui, par son exemple, enseigne à ses enfants à s’enivrer ? — Jureurs et blasphémateurs, qu’avez-vous fait pour votre famille ? N’avez-vous pas, vous aussi, tordu les cordages qui les entraîneront dans l’éternelle destruction ? N’est-il pas à craindre qu’ils ne suivent votre exemple ? — Mère de famille, tu as plusieurs enfants, et tu n’as encore prié pour aucun d’eux ! Tu ne les as jamais entourés de tes bras, le soir, lorsqu’à genoux, devant leur petite chaise, ils disaient : « Notre Père, qui es aux cieux ! » Tu ne leur as jamais parlé de Jésus qui aime tant les petits enfants, et qui autrefois s’est fait petit enfant, semblable à eux. Vous avez donc aussi négligé vos enfants ! … Je me souviens d’une humble mère qui se convertit au Seigneur dans sa vieillesse et qui me disait d’un accent que je n’oublierai jamais : « Dieu m’a pardonnée, mais jamais je ne me pardonnerai moi-même, car j’ai nourri et élevé des enfants, mais sans leur inspirer jamais le respect de la religion. » — Puis, éclatant en sanglots, elle ajoutait : « J’ai été une mère cruelle, Monsieur ; j’ai été un monstre, et non une mère ! » — Mais, lui dis-je, vous les avez élevés cependant. — « Oui, reprit-elle, mon mari mourut alors qu’ils étaient encore bien jeunes, et il m’en laissait six à soigner. Ces mains ont suffi à tous leurs besoins ; ils ont eu du pain et des vêtements ; personne ne peut dire que je ne les aie point aimés sous ce rapport ; mais, voici le crime, voici où a été ma cruauté : j’ai nourri leur corps et n’ai rien fait pour la vie de leur âme ! »


Mais n’y en a-t-il pas ici de plus coupables encore ? Ah ! Jeune homme, non seulement tu as fait jusqu’ici tout ce que tu pouvais pour damner ton âme, mais tu as fait de plus tous tes efforts pour damner celle de bien d’autres ! Souviens-toi de ce jeune garçon que tu conduisis, pour la première fois, il n’y a pas longtemps, dans un cabaret, te moquant de ses scrupules de novice (comme tu les appelais) et l’invitant à boire hardiment comme toi. Souviens-toi de cette nuit où, à la faveur des ténèbres, tu te fis l’instrument du démon pour faire succomber à la tentation cet autre jeune homme, dont la vie jusqu’alors avait été exempte de souillure et qui apprit de toi à connaître la fornication. Tu lui disais : « Viens avec moi, et je te montrerai comment on vit en homme fait ; je te ferai goûter des plaisirs inconnus ». Avant cette funeste rencontre, ce jeune homme allait le dimanche dans la maison de Dieu et semblait prendre le chemin du ciel ; et maintenant tu te vantes d’avoir chassé de son cœur toute pensée sérieuse à force de sarcasmes et de moqueries ! Tu te fais gloire de ce qu’il ne va plus à aucune maison de prière le dimanche, excepté par plaisanterie, et tu dis : « Aujourd’hui il est aussi gai que qui ce soit de nous tous ! » Malheureux ! Malheureux ! Pour toi, l’enfer sera doublement ardent ; tu auras à subir ses tourments et les tiens. À travers les flammes livides du grand abîme, il regardera vers toi et te criera d’une voix stridente : « Qui sait ! Sans toi, je ne serais pas ici ! » Malheureux ! Au milieu des horreurs de la géhenne, subir un pareil regard ! — le regard d’une victime de tes séductions ! — Oh ! Supplice effroyable et qui confond toute pensée ! Ces deux yeux fixés sur toi, comme deux étoiles flamboyantes et dont le funèbre éclat ne fera que grandir toujours ; ces deux yeux dardant la rage et jetant l’épouvante dans ton âme ne seront-ils pas déjà à eux seuls pour toi un double enfer ? — Ah ! Vous qui en avez fait tomber d’autres dans le péché, écoutez et tremblez ! … Moi qui vous parle, j’ai tremblé aussi lorsque pour la première fois je connus le Sauveur, et j’ai prié mon Dieu de m’aider à ramener à Lui ceux que j’en avais éloignés en quelque manière que ce soit. Cela me rappelle que dans sa première prière George Whitefield demanda aussi à Dieu de convertir tous ceux avec lesquels il avait précédemment violé le sabbat en jouant aux cartes. « Et, béni soit Dieu, dit-il, je les ai tous retrouvés et ramenés. »


Ô mon Dieu ! Ne puis-je découvrir sur quelques-uns des visages qui m’entourent l’expression de la terreur et de l’épouvante ? Est-ce que vos genoux ne s’entrechoquent pas ? Est-ce que votre cœur ne défaille point en vous à la pensée de votre iniquité ? Assurément cela est impossible, à moins que vos cœurs ne soient de bronze et vos entrailles du fer le plus dur. Ah ! S’il en était ainsi, c’est bien alors que se trouverait vérifiée cette parole de Dieu : « La cigogne a connu dans les cieux ses saisons ; la tourterelle, l’hirondelle et la grue ont pris garde au temps qu’elles doivent venir, mais mon peuple n’a point connu le droit de l’Éternel » ; — et cette autre parole tirée d’un autre prophète : « Le bœuf connaît son possesseur et l’âne connaît la crèche de son maître ; mais mon peuple n’a point de connaissance ; Israël n’a point d’intelligence. » — Oh ! Seriez-vous donc descendus aussi près de la brute que de laisser de pareilles réflexions passer sur vous sans être glacés d’effroi ? Notre tâche à nous qui sentons nos iniquités est bien certainement alors de plier le genou devant Dieu pour vous, et de le supplier de vous amener à vous connaître vous-mêmes ; car, vivant comme vous vivez et mourant dans de telles dispositions, votre sort ne peut qu’être affreux au-delà de toute conception humaine ! …


Oh ! Que je serais heureux si je pouvais penser que la plupart d’entre vous consentiront à me suivre dans cette humble confession de notre foi ! Que je puisse parler en votre nom, à tous ! Libre à vous d’accepter ou de rejeter ce que je vais dire ; mais j’espère que le plus grand nombre répétera mes paroles en son cœur : « Ô Seigneur ! Je te confesse en ce jour que mes péchés sont trop lourds, sont plus que je ne puis porter. J’ai encouru ta souveraine et éternelle réprobation, ta colère la plus terrible, et c’est à peine si j’ose croire que tu puisses jamais me pardonner ; mais, puisque tu as livré ton Fils unique à la mort de la croix pour les pécheurs, et puisque tu as dit : regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés, Seigneur, en ce moment, je regarde à Toi. Jusqu’ici je n’ai point voulu regarder à Toi, mais je regarde à Toi aujourd’hui. Jusqu’ici j’ai été l’esclave du péché, mais aujourd’hui, Seigneur, daigne m’accepter malgré mon péché, à cause du sang que ton Fils Jésus a versé sur la croix. Ô Père ! Ne me regarde pas dans ta juste indignation, quoique tu aies pleinement le droit de le faire, mais permets-moi d’évoquer devant ta face cette promesse : je ne mettrai dehors aucun de ceux qui viendront à moi. »

Seigneur, je viens


« Tel que je suis, sans autre titre

Que le sang qui fut versé pour moi

Et ton ordre qui m’invite à venir.

Ô Agneau de Dieu, je viens ! »

(chant chrétien)



« Seigneur, pardonne-moi ! Seigneur, accepte-moi ! Prends-moi tel que je suis, afin que dès maintenant je sois ton serviteur tant que je vivrai, et afin que je sois compté parmi tes rachetés, au jour de ma mort ! »


Pouvez-vous dire ces paroles ? Est-ce que bien des cœurs ne les ont pas dites avec moi ? N’ai-je pas entendu plus d’une bouche les répéter à demi-voix ? Bon courage, mon frère ! Bon courage, ma sœur ! Si c’est du fond du cœur que vous avez parlé, vous êtes aussi en sûreté que les anges du ciel, car vous êtes enfants de Dieu et vous ne périrez jamais !


* * *


III.


Je n’ai plus à vous adresser que quelques mots de solennel avertissement, et j’aurai fini.


Que de réflexions sérieuses surgissent en nous quand nous considérons combien le temps passe vite ! L’année actuelle est de toutes celles que j’ai vécu la plus courte, et plus j’avance dans la vie, plus les années me semblent se raccourcir. Et vous, vieillards, qui embrassez d’un seul regard vos soixante ou soixante et dix ans, vous me dites sans doute : « Bientôt, bientôt, l’année vous paraîtra plus courte encore ! » — Oui, je vous crois. Ô Dieu ! Enseigne-nous donc à tellement compter nos jours, que nous sachions appliquer nos cœurs à la sagesse. Mais n’est-ce pas une chose bien sérieuse que de penser qu’une autre année va bientôt disparaître, et qu’un grand nombre d’entre vous ne sont pas encore sauvés ! Vous êtes exactement au même point que l’année passée, à pareille époque. Je me trompe : vous êtes plus près de la mort, et, à moins que vous ne vous repentiez, plus près de l’enfer. Qui sait même si ce que je vous ai dit aujourd’hui ne vous laissera pas insensibles ? Vous n’êtes cependant pas encore entièrement endurcis, car vous avez pleuré bien des fois à l’ouie de la prédication, et cependant tout cela n’a encore rien produit ; vous êtes restés tels quels. Je vous en prie, répondez à cette question : « Qu’ai-je fait ? » Ah ! Prenez garde ! Un temps vient où l’on se posera cette question, mais où il sera trop tard. — Quel temps, pensez-vous ? — Le lit de mort ? — Non ; au lit de mort il est encore temps.


« Tant que la lampe jette quelque lumière,

Le plus grand pécheur peut se tourner vers Dieu. »


Mais lorsque le dernier souffle de vie aura quitté votre corps alors il sera trop tard pour vous demander : « Qu’ai-je fait ? » — Voici un homme qui veut se détruire, il gravit précipitamment l’escalier d’une tour élevée, avec le projet arrêté de se précipiter du haut en bas. Le voici parvenu au faîte … Croyez-vous qu’après s’être élancé dans l’espace il se demandera : « Qu’ai-je fait ? » Il me semble que quelque esprit invisible lui répondrait en murmurant : « Ce que tu as fait ? Hélas ! Tu as fait ce que tu ne pourras plus défaire ! Tu es perdu — perdu, — PERDU ! » Hé bien ! Souvenez-vous que vous tous qui vivez sans Christ vous gravissez en ce moment cette haute tour. Demain peut-être vous vous trouverez en présence de la mort, au faîte de votre édifice, et quand la mort vous aura étreints de sa main de fer ; quand, du haut de cette tour, vous vous serez précipités dans l’abîme du désespoir, cette question : « Qu’ai-je fait ? » se présentera à vous dans toute son horreur. Quelle réponse faire alors ? Et à quoi servira-t-il d’y répondre, excepté pour augmenter l’horreur de votre situation ? — Il me semble voir une de ces âmes lancées ainsi dans l’éternité ; je l’entends se demander à elle-même : « Qu’ai-je fait ? » Elle voit s’ouvrir devant elle cette éternité qui n’aura jamais de fin, et elle se demande encore : « Qu’ai-je fait ? » Et voici retentir dans les airs la terrible réponse : « Tout ceci n’est que ton ouvrage ! Tu connaissais ton devoir, mais tu ne l’as pas accompli ; tu as été avertie, mais tu as méprisé les avertissements ! » — Entendez, oh ! Entendez le lamentable soliloque de l’âme réprouvée ! Voici : le grand et dernier jour est venu ; le trône du jugement se dresse au milieu des éclairs, et les livres sont ouverts. J’entends frémir les feuillets dans la main qui les tourne, et ce frémissement résonne jusqu’au fond de mes entrailles comme un glas funèbre. Sur un signe du Suprême Juge, je vois les âmes s’en aller les unes à la droite et les autres à la gauche, suivant la teneur du livre. — Ah ! Qu’ai-je fait ? Je sais d’avance que mon péché va être cause de mon éternelle condamnation, car je n’ai jamais cherché le Sauveur … Que vois-je ? Le Juge fixe ses regards sur moi. Mon tour est venu ! … Va-t-il me dire aussi : « Retire-toi de moi, maudit ! » Oh ! Plutôt que d’entendre cette parole, que ne puis-je être écrasé, anéanti pour toujours ! — Un grand silence se fait … Son doigt s’est levé ! … Je me sens arraché du milieu de la foule par une force irrésistible qui me traîne jusqu’à la barre. Me voilà tout seul devant Lui. Il ouvre la page de ma vie, et avant qu’il l’ait lue je me sens défaillir de terreur. « Tout y est encore », dit-il. « Rien n’a été effacé par mon sang. Tu as méprisé les appels de mon amour ; tu t’es moqué de mon peuple, tu as méprisé ma miséricorde, tu as préféré recevoir le salaire de tes iniquités ; eh bien ! Tu l’auras. Le salaire du péché, c’est la mort. » — Ah ! Malheur ! … Et va-t-il donc me dire : « Va-t-en, maudit !… » Oui ! D’une voix plus forte que dix mille tonnerres, il prononce ces paroles : « Va-t-en, maudit, au feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges ! » — Oh ! Horreur ! Horreur ! C’était donc vrai ! Je souriais quand le ministre de Dieu parlait de l’enfer, et maintenant j’y suis moi-même ! Je m’étonnais qu’il essaye de m’épouvanter par ces peintures horribles, et la réalité est maintenant devant moi, plus terrible et plus épouvantable que toute peinture possible ! … Ah ! N’aurait-il pu m’effrayer ou me glacer de terreur au point de m’arracher à un sort si affreux ? Mais maintenant me voilà perdu et perdu sans espoir ! Me voilà plongé dans des ténèbres si profondes, que jamais, jamais un seul rayon de lumière ne parviendra plus jusqu’à moi. Je suis dans une prison si étroite et si bien fermée, que jamais, jamais un seul des mille verrous qui la ferment ne sortira de sa place. Oh ! Horreur ! Horreur ! Damné ! … et pour l’éternité ! …


Quel terrible soliloque ! Je ne puis vous le redire en entier. Ah ! Si vous pouviez y être vous-mêmes pendant un instant ; si vous pouviez éprouver ce que cette âme éprouve et comprendre tout ce qu’elle souffre, alors vous ne vous étonneriez plus de ce que je désire vous faire pleurer ; mais vous vous étonneriez, au contraire, que je ne vous prêche pas l’Évangile avec plus de ferveur et que je ne pleure pas davantage moi-même sur vos âmes. Ah ! Chers auditeurs, aussi vrai que l’Éternel mon Dieu, devant lequel je me tiens, est vivant, aussi vrai que je comparaîtrai un jour devant vous là-haut, — et votre conscience me rendra ce témoignage que je vous ai fidèlement annoncé tout le conseil de Dieu, — vous tous qui avez entendu mes paroles aujourd’hui, vous serez sans excuse au dernier jour, si vous ne vous convertissez pas. Vous êtes avertis ; je vous ai avertis avec tout le sérieux dont je suis capable ; tout ce que j’ai de puissance, d’art ou de tendresse pour persuader, je l’ai dépensé pour vous aujourd’hui, et je ne puis ajouter qu’un cri suppliant : Oh ! Réfugiez-vous en Christ ! Je vous en conjure, âmes immortelles, qui êtes destinées ou à une félicité ou à un malheur infini et sans terme, réfugiez-vous en Christ ! Votre pardon est dans sa main ; confiez-vous en Lui et soyez sauvées ! — Si vous rejetez cette supplication, c’est à votre péril. Si vous me rejetez, sachez que ce n’est pas moi que vous rejetez, mais bien Celui qui m’a envoyé. Si vous me méprisez, ce n’est pas moi que vous méprisez, mais bien Celui qui est plus grand que Moïse, savoir : Jésus-Christ, le Seigneur ; et si vous comparaissez devant son tribunal sans vous être rendus à ses appels, ah ! Qu’elle sera terrible sa voix, qu’elles seront effrayantes ses paroles, lorsqu’il vous condamnera pour toujours ! … pour toujours ! … pour toujours ! — Que Dieu nous délivre d’un sort si affreux, par Jésus-Christ ! Amen.


Charles Spurgeon

* * *

30 vues
bottom of page