
Les apôtres ont été directement établis par le Seigneur lui-même. Mais qu’en est-il de ceux qui ont suivi, de la seconde génération, et plus encore, de nous aujourd’hui ? Qui porte la responsabilité de guider le troupeau de Dieu dans les temps qui succèdent à ces premiers envoyés ?
Paul, dans sa lettre à Tite, donne une réponse claire et sans détour. Il charge Tite d’établir des anciens dans chaque ville, des responsables d’églises, avec des critères précis et exigeants : « Je t’ai laissé en Crète afin que tu mettes en ordre ce qui reste à régler, et que, selon mes instructions, tu établisses des anciens dans chaque ville, s’il s’y trouve quelque homme irréprochable, mari d’une seule femme, ayant des enfants fidèles, qui ne soient ni accusés de débauche ni rebelles. Car il faut que l’évêque soit irréprochable, comme économe de Dieu ; qu’il ne soit ni arrogant, ni colère, ni adonné au vin, ni violent, ni porté à un gain déshonnête ; mais qu’il soit hospitalier, ami des gens de bien, modéré, juste, saint, tempérant, attaché à la vraie parole telle qu’elle a été enseignée, afin d’être capable d’exhorter selon la saine doctrine et de réfuter les contradicteurs » (Tite 1:5-9). Ces hommes doivent être des bergers irréprochables, ancrés dans la Parole, capables de nourrir et de protéger le troupeau avec l’autorité de Christ. Les critères sont limpides, indiscutables.
Mais la réalité nous rattrape. Tous les pasteurs ne répondent pas à ces exigences, et pourtant, ils continuent d’exercer. Que dire de ceux qui ne lisent leur Bible que dix minutes par jour et consacrent à peine plus de temps à la prière ? Leur vie peut sembler irréprochable en surface, mais leur sécheresse spirituelle les rend incapables de nourrir des brebis affamées et malmenées. Que dire de ceux qui négligent leur troupeau, ne visitent pas leurs brebis, et se désintéressent de leurs besoins ? Que dire de ces pasteurs qui abandonnent leur femme et leurs enfants pour courir après un titre ou une reconnaissance ? Que dire encore de ceux qui ferment les yeux sur le péché, refusant d’exercer la discipline dans leur assemblée ? Et que dire, enfin, de ceux qui ouvrent grand les portes des lieux de culte au monde, laissant entrer spectacles et divertissements au détriment de la sainteté ?
Face à ces dérives, certains arguent : « Dieu les a oints, mais ils ont dévié ! » Peut-être. Mais ces bergers dévoyés continuent d’occuper des positions d’autorité, exerçant une influence alors qu’ils s’éloignent de la Parole. Aucun homme n’est parfait, c’est vrai. C’est pourquoi Dieu a établi des guides pour son peuple, tout en nous laissant le discernement pour ne pas suivre aveuglément n’importe qui. Car la soumission n’est pas une obéissance aveugle : elle s’exerce dans la crainte de Christ, entre tous les enfants de Dieu, qu’ils soient brebis ou bergers. « Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte de Christ » (Éphésiens 5:21). Pas d’exception.
Jésus, le modèle du serviteur
Jésus, le Grand Berger, nous montre la voie. Lui qui est le Seigneur et Maître n’a pas hésité à s’abaisser pour laver les pieds de ses disciples, laissant un exemple radical : « Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait » (Jean 13:14-15). Pas de place pour l’orgueil ou la hiérarchie humaine. Paul le rappelle avec force : dans le corps de Christ, aucun ministère n’est supérieur à un autre « L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ni la tête dire aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous » (1 Corinthiens 12:21). Chaque membre, même le plus humble, est essentiel, et Dieu honore ceux qui semblent faibles pour qu’il n’y ait « pas de division dans le corps » (1 Corinthiens 12:25).
Jésus renverse les valeurs du monde. À ceux qui rêvent de grandeur au ciel, Il répond : « Quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave » (Matthieu 20:26-27). Et encore : « Que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert »(Luc 22:26). Lui, le Roi des rois, s’est fait serviteur au milieu de nous. « Ne vous faites pas appeler directeurs ; car un seul est votre Directeur, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur » (Matthieu 23:10-11). Avec Dieu, pas de hiérarchie humaine : nous sommes tous enfants, tous serviteurs.
Les autorités établies par Dieu
Mais alors, quelles autorités Dieu institue-t-Il ? D’abord, les bergers, qui reflètent Christ dans leur relation avec l’Église. Comme le dit Éphésiens 5, le berger doit aimer son troupeau comme Christ aime son Épouse : il le conduit à la sainteté, se sacrifie pour lui, le nourrit de la Parole, le soigne comme son propre corps. Et les brebis, sentant cet amour, se soumettent naturellement, tout comme l’Église se soumet à Christ. Un berger n’est reconnu que par l’exemple qu’il donne – un amour authentique qui inspire la confiance.
Ensuite, les magistrats et les rois, autorités civiles que Paul évoque en Romains 13 : « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu » (Romains 13:1). Leur rôle ? Servir Dieu pour le bien commun, punir le mal, approuver le bien. Nous leur devons soumission, non par peur seule, mais par conscience, rendant « l’impôt à qui l’impôt est dû, l’honneur à qui l’honneur est dû » (Romains 13:7). Cependant, si une autorité ordonne ce qui contredit la Parole – comme pour Daniel ou Mardochée –, notre obéissance va d’abord à Dieu.
La soumission : obéissance et humilité
Qu’est-ce que la soumission ? C’est la docilité, l’obéissance, teintées de douceur, toujours alignées sur la Parole. Dieu se sert des autorités pour façonner nos cœurs, nous enseigner l’humilité. Parfois, elle exige de se taire, de s’abaisser, voire de souffrir l’injustice. Pierre le dit sans détour : « C’est une grâce que de supporter des afflictions par motif de conscience envers Dieu, quand on souffre injustement » (1 Pierre 2:19). Christ, qui n’a jamais péché, a souffert pour nous laisser un exemple. Dans les tempêtes, Dieu nous appelle à crier à Lui et à Lui faire confiance.
Qui oint ? Dieu ou l’homme ?
L’onction véritable ne vient pas des hommes, mais de Dieu seul. « Celui qui nous a oints, c’est Dieu, lequel nous a aussi marqués d’un sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit » (2 Corinthiens 1:21-22). Jean le confirme sans ambiguïté : « L’onction que vous avez reçue de Lui demeure en vous, et vous n’avez pas besoin qu’on vous enseigne » (1 Jean 2:27). C’est Dieu qui appelle, qui équipe, qui envoie. Jésus l’illustre dans Marc 13 : le Maître confie à chaque serviteur une tâche précise avant de partir. Le Maître, c’est Dieu. Les serviteurs, c’est nous. Pas de place pour les ambitions humaines ou les consécrations autoproclamées.
Mais interrogeons-nous : que dire de ces pasteurs qui paradent avec l’approbation des hommes, intronisés par des assemblées, des titres ronflants ou des foules enthousiastes, mais qui échouent lamentablement à remplir leur tâche ? Ils occupent les chaires, prêchent du haut de leur autorité, mais leur vie et leur ministère trahissent un vide criant. Où est l’amour sacrificiel pour le troupeau ? Où est la fidélité à la Parole qui sanctifie ? Où est le soin des brebis affamées ou égarées ? Trop souvent, ces hommes se sont hissés eux-mêmes sur le piédestal, s’autoproclamant pasteurs sans porter le sceau de l’appel divin. Et que dire de ceux qui deviennent pasteurs de père en fils, héritant d’un ministère comme on hérite d’un métier ? Leur vocation repose-t-elle sur l’onction de Dieu ou sur la volonté d’un père, sur une tradition familiale plutôt qu’un appel personnel du Ciel ? Ont-ils vraiment été oints par Dieu, ou ont-ils saisi une opportunité, surfant sur le charisme, la flatterie, les attentes humaines ou l’héritage paternel ? Leur place est-elle légitime si leurs fruits sont absents, si leur ministère dessert le Royaume plutôt que de le bâtir ? Paul exige des anciens qu’ils soient « irréprochables, attachés à la vraie parole » (Tite 1:7-9). Combien, sous les applaudissements ou par dynastie, trahissent ces critères essentiels ?
À l’opposé, combien de serviteurs authentiquement appelés par Dieu sont méprisés, rejetés, laissés dans l’ombre ? Paul incarne ce paradoxe. Qui aurait choisi cet ancien persécuteur ? Aucun homme. Ananias tremble à l’idée de l’approcher : « Seigneur, j’ai appris tout le mal que cet homme a fait » (Actes 9:13). Mais Dieu déclare : « Va, car cet homme est un instrument que j’ai choisi » (Actes 9:15). Paul n’a pas cherché l’aval humain ; il clame : « Apôtre, non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ » (Galates 1:1). Longtemps, il a prêché dans la suspicion, pourtant son onction était incontestable. Aujourd’hui encore, des ouvriers oints par l’Esprit subissent le même sort : exclus des cercles officiels, jugés insoumis, ignorés parce qu’ils ne flattent pas les systèmes établis. Leur appel dérange, leur fidélité à Dieu seule bouscule les hiérarchies.
D’un côté, des pasteurs autoproclamés, portés par les mains des hommes ou l’héritage familial, occupent des places qu’ils ne méritent pas, leurs œuvres révélant leur véritable maître – souvent eux-mêmes ou le monde. De l’autre, des serviteurs choisis par Dieu, marqués par Son Esprit, sont relégués au silence, leur lumière étouffée par l’indifférence ou le rejet. Judas fut choisi par Jésus, non par erreur, mais pour un dessein (Actes 1:16-18). Démas et Alexandre, eux, s’infiltrèrent sans jamais être des nôtres (2 Timothée 4:10, 14 ; 1 Jean 2:19). Qui oint ? Dieu seul. Les hommes peuvent acclamer ou condamner, mais l’onction véritable se reconnaît aux fruits, pas aux titres. À nous de discerner : suivons-nous des imposteurs applaudis ou des serviteurs méprisés mais appelés ?
Une mission commune, des appels uniques
Depuis la résurrection de Christ, nous sommes tous sacrificateurs, tous appelés à proclamer la Bonne Nouvelle : « Allez, faites de toutes les nations des disciples » (Matthieu 28:19). La mission est universelle, mais les appels sont personnels. Dieu distribue talents et dons selon Sa volonté. « Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme Il veut » (1 Corinthiens 12:11). Les talents naturels, donnés à la naissance, et les dons spirituels, offerts par l’Esprit, sont nos outils pour faire fructifier le Royaume. Paul plante, Apollos arrose, mais « Dieu fait croître » (1 Corinthiens 3:7). Aucun homme n’approuve notre ministère : c’est à Dieu que nous rendons compte.
Le Grand Berger et ses ouvriers
Jésus est le Grand Berger, Celui qui donne Sa vie pour Ses brebis (Jean 10:11). Nous sommes Son temple, habités par Son Esprit (1 Corinthiens 3:16). Pourquoi, alors, certains ouvriers sont-ils rejetés par les églises ? Parce que beaucoup d’assemblées ont adopté une hiérarchie pyramidale, héritée du passé, qui étouffe la mission universelle. Chacune se focalise sur sa propre vision, sa propre croissance, au détriment du Royaume global. Un serviteur appelé par Dieu, mais hors de ce système, devient suspect, taxé d’insoumission, privé de soutien. Sa vision universelle dérange ceux qui tirent la couverture à eux.
En conclusion : servir, malgré tout
Nous sommes choisis, oints et envoyés par Dieu, non par les hommes. Il nous équipe de talents et de dons pour une mission claire : faire des disciples. Soutenus ou abandonnés, nous devons persévérer. « Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups » (Matthieu 10:16), avertit Jésus. Soyons prudents, rusés, mais simples. Prions pour les pasteurs, qu’ils embrassent la vision du Royaume et fassent confiance aux ouvriers de Dieu. S’ils nous barrent la route, bénissons-les, sans amertume, et remettons-nous à Celui qui juge.
Les obstacles viendront, les persécutions aussi. Mais Jésus promet : « Prenez courage, j’ai vaincu le monde ! » (Jean 16:33). Il est avec nous jusqu’à la fin. Marchons dans Ses voies : Il nous portera, Il aplanira nos sentiers. Une seule chose compte : faire Sa volonté. Que Sa coupe déborde sur ceux qui Le servent !
L. Gilman