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QU'EST-CE QUE GAGNER UNE ÂME ?



Sur le plan des moyens pratiques, quels sont les processus par lesquels on mène une âme vers Dieu et le salut ? Je crois que l’une des opérations principales consiste à :

1. Instruire l’homme afin qu’il connaisse la vérité de Dieu


L’instruction au moyen de l’Évangile est le commencement de toute œuvre réelle sur son esprit : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Matthieu 28:19,20).

L’instruction commence l’œuvre, et elle la couronne.

Ésaïe décrit ainsi l’Évangile : « Prêtez l’oreille, et venez à moi, écoutez, et votre âme vivra » (55:3).

Enseigner les grandes vérités de la révélation


Il appartient donc de donner aux hommes quelque chose qui vaut la peine d’être entendu, c’est-à-dire de les instruire. Christ nous envoie évangéliser, c’est-à-dire proclamer l’Évangile à toute créature. Nous ne lui obéissons pas à moins de leur enseigner les grandes vérités de la révélation.

À l’écoute de certains, l’Évangile serait une pincée de poudre sacrée ou une rasade d’eau-de-vie pour exciter leur cerveau. Non, la « Bonne Nouvelle » se compose d’informations et d’instructions sur des sujets cruciaux pour l’homme. Il contient des déclarations susceptibles de bénir celui qui y prête attention et la révélation de faits et de vérités qui exigent une connaissance et demandent une réponse de foi. Il s’agit d’un système logique qui s’adresse à la compréhension, s’offre à l’examen de la conscience et exige une puissance de réflexion.

Vous pouvez toujours crier : « Croyez ! Croyez ! Croyez ! » Que faut-il croire ? Toute exhortation nécessite une instruction correspondante pour avoir un sens. « Sauvez-vous ! » De quoi ? Cette question exige en réponse la doctrine du châtiment encouru par le péché. « Fuyez ! » Mais où ? Vous proclamez Christ alors, ses blessures et la doctrine claire de la propitiation accomplie par son sacrifice. « Repentez-vous ! » De quoi ? Vous répondez ici aux questions : Qu’est-ce que le péché ? Quelle en est l’horreur ? Quelles en sont les conséquences ?

« Convertissez-vous ! » Qu’est-ce que cela veut dire ? De quoi ? Vers quoi ? Le champ d’instruction s’étend loin si on veut amener les hommes à connaître la vérité qui sauve. « Le manque de science n’est bon pour personne » (Proverbes 19:2), et il appartient aux instruments du Seigneur d’amener les hommes à connaître la vérité de telle sorte qu’ils y croient et en ressentent la puissance. Ne tentons pas de les sauver dans l’obscurité mais, dans la puissance du Saint-Esprit, cherchons à les tourner des ténèbres vers la lumière.


Enseigner les doctrines de la grâce


Ne pensez pas non plus devoir laisser de côté les doctrines de l’Évangile en allant dans vos réunions spéciales d’évangélisation. En fait, vous devriez proclamer davantage les doctrines de la grâce. Enseignez les vérités évangéliques avec clarté, douceur, simplicité et sans détour, surtout celles qui ont une application actuelle et pratique sur la condition de l’homme et la grâce de Dieu.

Certains excités semblent avoir imbibé la notion que, pour s’adresser aux inconvertis et voir des conversions, il faut délibérément changer sa manière habituelle de parler.

Cela revient tout simplement à ceci : le salut des âmes exige de cacher la vérité et de proférer des demi-vérités. Faudrait-il dire la vérité au peuple de Dieu, car il n’écoutera rien d’autre, mais cajoler les pécheurs afin de les amener à la foi en appuyant certains aspects de la vérité tout en laissant le reste de côté jusqu’à un moment plus propice ?

Beaucoup souscrivent à cette étrange théorie. La proclamation de la rédemption d’un peuple élu défini conviendrait donc aux enfants de Dieu, mais la rédemption universelle doit devenir notre doctrine face au monde extérieur. Nous déclarons aux croyants que le salut vient par grâce et que seul le Saint-Esprit peut convertir, mais il nous faut parler au pécheur comme s’il pouvait se sauver par lui-même.

Je n’ai pas appris Christ de la sorte. Si d’autres agissent ainsi, ils me servent de phares pour éviter ces écueils et non d’exemples à suivre. Celui qui m’envoie pour le salut des âmes ne permet ni l’invention de mensonges ni la suppression de la vérité. On peut accomplir son œuvre sans des méthodes aussi suspectes.

« Oui, mais Dieu a béni des demi-déclarations et même des proclamations outrées », direz-vous. N’en soyez pas si sûr. Dieu ne bénit pas l’erreur mais la vérité qui s’y trouve mélangée et une plus grande bénédiction résulterait d’une proclamation plus conforme à sa Parole. Non, le Seigneur ne bénit pas cette sorte de jésuitisme évangélique, et ce n’est pas décrire trop durement une telle suppression de la vérité.

Le refus de déclarer la doctrine de la corruption totale de l’homme, par exemple, a infligé de sérieux dégâts à nombre d’auditeurs d’une certaine sorte de prédication. Ces gens n’obtiennent pas une véritable guérison car on ne leur dit pas clairement de quel mal ils souffrent. Ils ne sont jamais vraiment revêtus car rien n’est fait pour les dénuder.

Dans beaucoup de messages, il n’y a pas assez d’investigations du cœur et d’éveil de la conscience par la révélation pour mettre en lumière la séparation de l’homme par rapport à Dieu. En outre, on ne déclare pas assez l’égoïsme et la méchanceté d’un tel état.

L’homme a besoin de s’entendre dire qu’il périra éternellement si la grâce divine ne le sépare pas de son inimitié envers Dieu. Il doit voir la souveraineté d’un Dieu qui n’est sous aucune obligation de le sortir d’un tel état et qui demeurerait parfaitement juste en l’y laissant. L’être humain n’a aucun mérite à faire valoir devant Dieu, ni aucun droit sur lui. S’il parvient au salut, ce doit être par grâce, et par la grâce seule.

Le salut par la grâce seule


S’il parvient au salut, ce doit être par grâce, et par la grâce seule. Il nous appartient d’amener le pécheur au point d’une complète impotence afin de l’obliger à lever les regards vers le seul qui peut l’aider.

La tentative de gagner une âme pour Christ en la gardant dans l’ignorance d’une vérité quelconque s’oppose à l’action de l’Esprit. Les efforts à sauver les hommes par un simple baratin, par l’excitation ou une démonstration oratoire revêtent autant de folie que l’espoir de prendre un ange à la glu.

La meilleure force d’attraction est la vérité telle qu’elle se trouve en Jésus


Le Seigneur accomplit la conquête des hommes avec l’arme de l’Évangile. C’est une flèche capable de percer le cœur le plus dur, un onguent prêt à guérir la blessure la plus mortelle. Vous n’avez pas besoin d’autre filet car celui de votre Maître est suffisamment solide pour les grosses pièces et ses mailles sont assez fines pour retenir les petits poissons. Proclamez-le et ne proclamez rien d’autre car la promesse divine tient : « Je vous ferai pêcheurs d’hommes. »


2. Imprimer la vérité en l’homme de sorte qu’il la sente


L’instruire dans la vérité ne suffit pas. Le message est certainement boiteux s’il n’est que didactique, adressé à l’intelligence sans toucher les émotions, avec une échasse doctrinale mais un moignon émotionnel. « Les jambes du boiteux sont faibles », dit Salomon (Proverbes 26:7).

Quelle horreur de voir un homme s’envelopper de doctrine au point de pouvoir parler avec détachement du sort des méchants ! La pensée de la ruine de millions de ses semblables ne lui cause aucune angoisse, quand il n’en loue pas Dieu. Quelle horreur ! Je hais la proclamation des terreurs du Seigneur par des hommes au visage dur, à la voix acerbe et dont l’esprit insensible trahit la dessiccation doctrinale.

N’ayant aucun sentiment lui-même, un tel messager n’en crée aucun. Ses auditeurs écoutent ses déclarations arides et mortes jusqu’à le trouver « profond ». Ils tombent aussi dans un profond sommeil. Le peu de vie qui leur reste se consacre à renifler l’hérésie et à fabriquer des criminels pour un seul mot de travers. Que le Seigneur ne nous baptise jamais de cet esprit ! Qu’il nous garde d’oublier son ordre d’aimer notre prochain comme nous-mêmes !


Aimer notre prochain


L’amour pour Dieu prime, mais il ne diminue en rien mon obligation d’aimer mon prochain. En fait, le premier commandement inclut le second. Je cherche la conversion de mon prochain parce que je l’aime. Je dois lui parler avec amour de l’Évangile d’amour de mon Dieu car je désire son bien éternel.

Le pécheur possède un cœur tout autant qu’un cerveau. Adressons-nous aux deux. Il ne sera jamais converti sans que ses émotions ne soient touchées. Si son péché ne lui inspire pas du chagrin, ou la réception de la Parole une certaine mesure de joie, ne vous réjouissez pas de sa démarche. La Parole doit souffler à travers le cœur tout entier, telle un vent puissant, et secouer l’homme comme la bise estivale fait onduler le blé mûr. La religion sans émotion est souvent sans vie.

Susciter les bonnes émotions


Veillez toutefois à la manière de susciter ces émotions. Ne jouez pas sur l’esprit en excitant des sentiments non spirituels. Certains se plaisent par exemple à agrémenter leur message de la mention de petits enfants mourants. Ils créent les pleurs au moyen d’une simple affection naturelle. Même si cela conduit éventuellement à quelque chose de meilleur, à quoi sert-il de rouvrir les blessures d’une mère ou le chagrin d’une veuve ? Le Seigneur de miséricorde ne nous envoie pas pour retourner les tombes.

Oui, on peut employer à profit la mort d’un croyant, ou celle d’un pécheur, comme preuve du repos de la foi dans le cas de l’un et des terreurs de la conscience pour l’autre. Mais le bien qui en sort doit provenir du fait prouvé et non de l’illustration. Le chagrin naturel est souvent une distraction qui empêche des pensées plus profondes. C’est un prix trop élevé pour un cœur tendre, à moins de le rembourser par l’implantation de quelque impression spirituelle durable sur le tronc des affections naturelles.

Je vis un jour une jeune fille occupée à lire. Elle pleurait comme si son cœur allait se briser mais, à la couverture du livre, je vis qu’il s’agissait d’un de ces romans à l’eau de rose dont regorgent nos kiosques. Ses larmes n’étaient qu’un gâchis d’humidité, tout autant que celles produites par de simples fables et descriptions pathétiques dans notre proclamation.

Si nos auditeurs pleurent leurs péchés, et recherchent le Seigneur Jésus avec larmes, qu’elles s’écoulent en fleuves alors ! Mais si leur chagrin provient seulement d’un objet naturel, sans dimension spirituelle, à quoi bon créer une misère inutile ? Le monde contient assez de chagrin comme cela. Quel droit avez-vous à taillader tout le monde de votre scalpel pour montrer votre compétence en matière de chirurgie ? Le vrai chirurgien pratique l’incision seulement là où il espère produire une guérison, et le sage serviteur de Christ suscite des émotions pénibles dans le cœur dans le seul but de faire du bien à l’âme.

Vous et moi devons continuer d’appuyer sur le cœur des hommes jusqu’à ce qu’il se brise, puis il nous faut continuer de prêcher Christ jusqu’à ce que ce cœur soit pansé. Une fois cela accompli, continuons de proclamer l’Évangile de Christ jusqu’à ce que leur nature tout entière s’y soumette.

Ces quelques remarques vous aideront à ressentir votre besoin que le Saint-Esprit œuvre avec vous et par vous. Ce besoin se voit encore plus quand on aborde la nouvelle naissance elle-même. Dans cette œuvre, le Saint-Esprit agit d’une façon et dans un style des plus divins.

L’instruction et l’impression sont des éléments indispensables pour la conquête des âmes, mais ce n’est pas tout. En fait, il s’agit seulement de moyens pour atteindre un but. Une œuvre de loin plus importante doit s’accomplir avant qu’un homme parvienne au salut. Une merveille de la grâce divine doit s’appliquer sur l’âme, transcendant tout ce que la puissance de l’homme peut accomplir. « Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu » (Jean 3:3).


Charles Spurgeon



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