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VIVRE DIEU DANS L'ÉPUISEMENT (Burnout)



Depuis quelques semaines, je me remets lentement d’un bon vieux burnout. Un épuisement total qui m’a mis « hors course » pendant un mois. Cette interruption a été une bonne occasion de me demander ce qui était arrivé. Que faire ? Qu’est-ce qu’un tel effondrement dit de nous et de notre relation à Dieu ? Je me suis posé la question. Je me la pose probablement encore. Comme je suis professeur de théologie, j’écris ; alors j’écris ces quelques lignes comme pour m’exhorter moi-même, reconnaissant d’être le premier à avoir besoin d’être restauré par Dieu.


1) Tout d’abord, le burnout, c’est un dévoilement spirituel


Je ne dis pas que le burnout est « un péché », simplement qu’il est une occasion, parfois extrêmement douloureuse qui sert à dévoiler notre condition spirituelle. Vivre Dieu dans cet état d’épuisement total, parfois chronique, c’est ainsi d’abord prendre le temps d’un bon diagnostic spirituel. Le retour de burnout commence par un retour sur la présence de Dieu dans notre vie… voire même sur l’absence de Dieu. La confiance en Dieu, que nous confessons et que nous essayons de vivre, s’incarne dans cette reconnaissance mystérieuse de sa providence. Il est facile de croire que Dieu s’occupe de nous, qu’il est un Père de providence, lorsque tout va bien. C’est beaucoup plus difficile lorsque nous nous effondrons physiquement. Pourtant, même cela n’échappe pas à cette œuvre mystérieuse et souvent incompréhensible de la providence. Dieu dévoile qui nous sommes, même à travers le burnout.


2) Le burnout, j’en suis coupable ?


Cela revient-il à dire que nous sommes coupables de notre burnout ? Il serait facile de répondre rapidement par l’affirmative ou la négative… mais les choses sont plus complexes parce que la vie est plus complexe. Y compris la vie chrétienne. Dans un sens, bien sûr que nous ne sommes pas nécessairement « coupables » ou responsables de notre burnout. Ce dernier peut avoir de multiples raisons, et au sujet de certaines, je ne peux rien. L’épuisement n’est pas non plus un péché, au sens biblique du terme. Dans un autre sens, notre condition spirituelle affecte certainement les évènements conduisant à notre effondrement. Désir de reconnaissance, compétition professionnelle nous poussant au burnout, syndrome (possiblement) messianique ? Notre impatience, notre orgueil ou notre manque de maîtrise peuvent conduire à ces événements qui, eux, seront causes directes de notre burnout.


3) Apprendre les limites


Dans la pratique, l’une des choses les plus importantes, c’est d’apprendre à discerner et accepter les limites. Tout d’abord, reconnaître nos limites personnelles, car nous en avons tous. Cela peut prendre plusieurs formes : savoir fermement refuser les projets supplémentaires, les plannings qui explosent. C’est aussi reconnaître que nous ne sommes pas indispensables à notre ministère, à notre employeur. C’est reconnaître que nous ne sommes que des serviteurs non indispensables (Lc 17.10). Cela donne une grande liberté : nous abordons notre travail quotidien en paix. Nous acceptons la responsabilité qui nous est confiée, nous travaillons fidèlement, au mieux de nos capacités. Le reste ne nous appartient pas.


Dans un certain sens, tout ce qui a conduit au burnout est un signe de notre finitude, que nous en soyons conscients ou pas, que nous l’acceptions ou pas. D’ailleurs, même le désir de reconnaissance est un signe de notre finitude, de même que ce désir, souvent peu voilé, d’être essentiel, d’avoir les seules bonnes réponses. En agissant ainsi, nous témoignons d’une prétention à transgresser nos limites : nous nous voulons omniscients, et même tout-puissants. Nous nous présentons comme seuls sages ou bienveillants. Non seulement nous risquons d’écraser les autres (même à travers notre burnout), mais plus inquiétant encore, de prétendre être « dieu » dans notre cercle professionnel.


4) Accueillir le repos


Pour se remettre d’un burnout, il est aussi essentiel de réapprendre le repos. Ceci est aussi une question de limites. Si notre burnout est lié à un épuisement physique, nous devrons apprendre la limite qui existe entre le jour et la nuit, entre deux cycles qui appartiennent à la réalité créationnelle (Gn 1, 2.1-4). Nous avons été créés avec des limites qui, bien vécues, sont bienfaisantes. Elles mettent en lumière les frontières dans lesquelles notre vie peut s’épanouir. Le travail avec le repos ; la responsabilité avec la liberté. La pression professionnelle… vécue dans la paix. Tout cela n’est possible que si nous vivons dans le repos l’œuvre que Dieu nous a confiée.


5) Accepter le soutien


Enfin, il nous faut accepter l’aide de ceux qui se trouvent autour de nous, qu’ils soient amis proches, conseillers pastoraux, ou professionnels de santé. Là aussi, nous devons reconnaître les limites qui sont les nôtres. Dans une situation de burnout, nous n’arrivons parfois pas à discerner quels sont les meilleurs choix : nous ne voyons pas clairement, nous n’arrivons même plus à réfléchir. Lorsque la pression du ministère, ou professionnelle, devient trop forte, nous avons besoin des autres autour de nous pour nous aider à voir et à vivre. Sans eux, nous ne verrons pas la nature malsaine et destructrice de la pression que, parfois, nous nous imposons à nous-mêmes. Parfois même, nous cachons cette pression derrière l’idée que Dieu l’exige de nous. Ce que Dieu demande de nous, c’est d’offrir et d’accepter le soutien fraternel en nous encourageant et en nous soutenant les uns les autres (1 Thess 5.11, Col 3.13).


Le burnout, c’est une occasion d’examiner nos propres cœurs, et de nous tourner vers Dieu. C’est l’occasion d’être renouvelé dans notre vie de piété, ainsi que dans notre confiance en son accompagnement bienveillant. C’est l’occasion de vivre fidèlement, et dans le respect de notre finitude, ce que Dieu nous confie quotidiennement. Le burnout c’est l’occasion de redécouvrir comment vivre sans l’anxiété du lendemain (Lc 12.26) et de sans cesse approfondir notre vie de prière (Phil. 4.6).


Yannick Imbert

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