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LA DICTATURE DE L'ÉDIFIANT


Tout doit être édifiant de nos jours. C’est vrai qu’on peut difficilement s’opposer à ce genre de discours, tant il est consensuel et d’un consensualisme mou irréprochable. Alors forcément, malheurs à ceux qui osent penser autrement. La vérité c’est aussi qu’être contre tout, tout le temps n’a rien de bien évangélique en soi. Certains en ont fait leur fond de commerce, comme d’autres jouent à fond la carte de « l’édifiant ».


Un livre, – que je n’ai pas lu, je le confesse – sorti récemment a eu d’emblée droit à ce genre de discours. Tout ceux qui en parlent, l’ont lu, le commentent utilisent tous la formule « Edifiant » ! C’est presque come si on leur avait laver le cerveau pour qu’ils répètent bien leur leçon. A partir de là, vous n’avez plus rien à dire, pas de critique éventuelle à apporter, et encore moins de réserve à émettre puisque ce livre est édifiant. Toucher à ce travail, c’est oser entrer dans la démolition, le « non édifiant », la jalousie, le règlement de compte ou que sais-je encore.


Le concept que je vais qualifier « d’EDIFIANT » est une veine qu’il faut exploiter, d’autant plus qu’elle est biblique : « Recherchons ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle » ! Imparable ! Ou encore « (…) conformément à l’autorité que le Seigneur m’a donné pour l’édification et non pour la destruction » alors là forcément ! Ou enfin : « Qu’il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise, mais, s’il y a lieu, quelque bonne parole, qui serve à l’édification et communique une grâce à ceux qui l’entendent. » Alors là c’est le summum.


Vous pourriez penser que ces textes ne sont pas ma tasse de thé, et vous vous tromperiez lourdement. J’aime lire et vivre ces choses. Ce que je n’aime pas du tout c’est leur interprétation outrancière et l’obligation de faire silence devant ceux qui veulent nous faire avaler des couleuvres au nom de la dictature de l’édifiant. En gros je résume cette dictature ainsi : « si ce que tu vas dire ou écrire n’est pas édifiant, c’est à dire s’oppose à ce que moi j’ai décrété être édifiant, tais-toi » ! C’est le principe de toutes les dictatures de faire fermer la bouche aux opposants. Et certaines dictatures sont doucereuses et mielleuses à souhait.

Et puis il y a l’argument « évangélisation » ou « témoignage » ! Il ne faut plus rien dire parce que des gens pourraient lire ou entendre certaines vérités qui ne les aideraient pas à se convertir. Ce serait presqu’à mourir de rire, si ce n’était pas aussi malhonnête. Les non convertis pris en otages, sont destinés à fermer la bouche de ceux qui ne pensent pas comme nous. Fatal ! A partir de là il faut tout subir, tout admettre, tout gober sous prétexte que c’est « édifiant » !


Lorsque je lis ma Bible je découvre que la dictature de l’édifiant n’est pas nouvelle :


Michée va la subir en son temps, lorsque environ 400 prophètes vont se mettre d’accord pour apporter un message édifiant à Achab. Sédécias, fils de Kenaana, va même aller jusqu’à utiliser l’image pour donner un poids supplémentaire à son message édifiant ; il va se fabriquer des cornes de fer. Ecoutez donc ce que l’ensemble de ces gens et Achab lui même déclareront à l’encontre de Michée, bien seul ce jour là : « Ne te l’avais-je pas dit Il ne prophétise rien de bon sur moi, il ne prophétise que du mal » en d’autres termes plus actuels : « Il n’est pas édifiant » ! (1 Rois 22/19).


Et puis que dire du message même de Jérémie. Lui, c’est l’ensemble de sa prédication qui était considéré comme non édifiant. On va lui mettre dans les jambes des prophètes de renom au discours tellement édifiant, comme celui d’un certain Hanania, je le cite : « Je mets un joug de fer sur le cou de toutes ces nations, pour qu’elles soient asservies à Nebucadnetsar, roi de Babylone, et elles lui seront asservies; je lui donne aussi les animaux des champs » (Jérémie 28/15). Message de victoire, message positif, message tellement bien ficelé, bien construit, édifiant, rassurant, consolateur ! Il fallait être Jérémie pour oser s’y opposer : « Ecoute, Hanania! L’Eternel ne t’a point envoyé, et tu inspires à ce peuple une fausse confiance ». La suite dramatique nous en dit long sur ce que Dieu pense du positivisme déguisé en édification. On a envie de dire à Jérémie, reste tranquille, tais toi, laisse faire, c’est édifiant ce qu’il dit Hanania.


Etre édifiant oui, mais jamais au détriment de la vérité, ni de l’état réel des gens et des circonstances. Bien sur que Dieu nous aime à la folie, mais pas au point de ne pas nous dire que nous sommes pécheurs et avons besoin de repentance. Est-ce que son discours manquerait d’édification ?


Jésus n’a pas cultivé « l’édification » à tout crin. Si quelqu’un l’a été c’est lui, mais pas dans n’importe quelle condition et surement pas en utilisant les grosses ficelles employées de nos jours pour justifier un discours lénifiant et dénué de virilité spirituelle.

Bref, le bon moyen de faire fermer la bouche des prophètes, hier comme aujourd’hui c’est de déclarer qu’ils n’ont jamais rien d’édifiant à dire et qu’ils sont des gens amers, négatifs, dépassés qui ne comprennent rien au message positif des autres.


Le message de l’Evangile de Jésus-Christ c’est certes, la paix, la joie, le salut, le ciel, l’éternité, la gloire, la guérison, la délivrance, la victoire sur nos adversités etc. mais c’est d’abord le péché, la repentance, les larmes, la confession à Dieu, remettre de l’ordre dans notre vie et tout ceci n’est guère populaire aujourd’hui. C’est tellement mieux de ne présenter qu’une facette de l’Evangile, celle qui se vend bien.

Bon, pour ma part pas question de céder à la dictature de l’édifiant. Donc Messieurs les donneurs de leçons, vous pouvez garder vos remarques à ce sujet, elles n’ont aucune prise sur moi et sur d’autres d’ailleurs.


Samuel Foucart




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