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L'ÉVANGILE DE LA SANTÉ ET DE LA PROSPÉRITÉ


Cet enseignement controversé fait partie du message du « Mouvement de Foi » fondé par Kenneth Hagin en 1960 aux États-Unis. Il est aisément accepté en contexte de pauvreté, car il offre aux fidèles un horizon rêvé qui les motive. Selon Pierre Coleman, ce nouvel évangile est basé sur le mensonge suivant : « la pauvreté, la maladie, et l'épreuve proviennent du péché et de Satan. Les chrétiens sont les gosses du Roi. Dieu veut leur accorder richesses, santé et longue vie. Il leur suffit de le croire et de le confesser. »


Le promoteur de cette pensée, Hagin, a largement puisé ses idées dans l'enseignement initial de E. W. Kenyon (1867-1948), jusqu'à plagier mot-à-mot ses documents. Kenyon cherchait à promouvoir un « nouveau christianisme », en adjoignant, à la foi évangélique, des fausses doctrines puisées dans la Nouvelle Pensée (New Thought) et dans la Science Chrétienne. Son enseignement incitait à la confession positive, et diffusait une fausse conception de la santé du chrétien et de sa prospérité. Hagin a écrit une centaine de livres sur les divers sujets divers liés à son « Mouvement de Foi », ce qui contribua à propager largement ses fausses doctrines et à faire de nombreux disciples en infestant nombre d'églises dans le monde entier. Kenneth Copeland lui succéda et développa encore le « Mouvement de Foi ». Des évangélistes de renom ont aussi été séduits par cette fausse doctrine et l'ont répandu, comme William Branham, Oral Roberts, T. L. Osborn, Yonggi Cho, John Osteen, et divers télévangélistes américains. Apparu indépendamment du mouvement charismatique, l'évangile de la prospérité serait le courant le plus en progrès au sein du mouvement charismatique mondial. Cette doctrine a également proliféré dans les églises pentecôtistes, jusque dans nos assemblées, détournant les fidèles de la saine doctrine. Il faut admettre que, dans notre société qui traverse aujourd'hui une situation économique difficile, beaucoup de personnes recherchent une solution à leurs difficultés, et sont naturellement attirés par les promesses alléchantes de cet enseignement séduisant mais faux. Le principal problème vient du fait que cette doctrine apostate se base d'une part sur des versets bibliques tirés hors de leur contexte, et d'autre part sur des soi-disant révélations de tous les apôtres et prophètes autoproclamés actuels, qui revêtent un manteau évangélique et disent agir au nom de Jésus. De plus, les nombreuses carences du corps pastoral, en termes d'enseignement biblique, de sanctification, d'éthique ministérielle et chrétienne, etc. les rendent plus facilement enclins à tomber dans leurs filets, d'autant plus qu'ils ne se doutent même pas des origines hérétiques de la doctrine de la prospérité.


En résumé, le « Mouvement de Foi » repose essentiellement sur trois erreurs très séduisantes :


1- Premièrement, c'est une doctrine « magique » de la foi : « Vous obtiendrez ce que vous dites ».

En croyant dans son coeur et en confessant par sa bouche, tout homme peut obtenir non seulement le salut, mais tout ce qu'il veut, notamment la santé et la prospérité. La foi étant opposée à la vue, le croyant doit prendre autorité sur le diable et proclamer posséder ce qu'il a demandé. Une seule prière suffit, ensuite il faut remercier Dieu de sa réponse. Toute confession négative annule l'effet de la confession positive précédente. Ajouter « si Dieu le veut » exprime de l'incrédulité et anéantit l'effet de la prière. Cette doctrine prend pour assise certains versets de la parole de Dieu comme Mt 17.20 en les tirant hors de leur contexte évangélique. D'autre part, elle veut ignorer la souveraineté de Dieu.


2- Deuxièmement, elle est une doctrine perfectionniste de la santé : « Dieu vous veut en bonne santé ».

La maladie vient du diable et ne sert aucun but spirituel. La guérison du corps est comprise dans l'expiation. Dieu veut toujours nous guérir si nous avons la foi et si aucun péché ne nous empêche de guérir. Jésus n'a jamais refusé la guérison à quelqu'un sur la terre, donc il ne peut pas le lui refuser, puisqu'il est le même hier, aujourd'hui et demain (Hé 13.8). Après avoir prié avec foi, le malade doit confesser sa guérison. Si des symptômes persistent, il doit malgré cela croire en sa guérison et arrêter tout traitement médical. L'incrédulité du malade ou de son entourage peut le priver de la guérison. Une fois guéri, s'il doute, il peut retomber malade. Là encore des versets tirés de la Bible tels que Esaïe 53.5 sont déformés, car la guérison que nous avons reçue s'applique à la guérison spirituelle comme le confirme le passage des Écritures en 1 Pierre 2.24. D'autre part la souveraineté de Dieu est encore oubliée. Paul lui-même, a laissé Trophime malade à Milet (Hé 13.8) bien que Dieu se soit servi de Paul pour accomplir des miracles extraordinaires (Ac 19.11).


3- Troisièmement, elle se caractérise comme une doctrine matérialiste de la prospérité : « Dieu vous veut riche ».

N'importe qui peut s'approprier la richesse par la foi. La richesse fait partie des bénédictions promises à Abraham et aux croyants qui constituent sa postérité. La pauvreté fait partie des malédictions annulées par la mort de Christ. La Nouvelle Alliance étant meilleure que l'Ancienne, Dieu ne veut pas et ne va pas laisser ses enfants pauvres. Toutefois les chrétiens doivent se montrer généreux envers Dieu et ses serviteurs par leurs dîmes et leurs offrandes. En donnant ainsi pour l'oeuvre de Dieu, ils plantent une semence de foi qui pourra leur rapporter jusqu'au centuple. Là encore, cet enseignement détourne les versets de leur contexte et de leur signification. La bénédiction promise à Abraham et dont les croyants héritent concerne le salut (Ac 19.11). La loi du centuple (Mc 10.29-30) ne mentionne pas l'argent, dont Jésus venait d'évoquer le danger de l'attachement que l'on peut y porter. Soulignons aussi que la prospérité peut constituer un danger, alors que la pauvreté n'est pas toujours une malédiction. Agur pria ainsi l'Éternel : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse, accorde-moi le pain qui m'est nécessaire, de peur que, dans l'abondance, je ne te renie et ne dise : Qui est l'Eternel ? Ou que, dans la pauvreté, je ne dérobe, et ne m'attaque au nom de mon Dieu » (Pr 30.8-9). Dieu promet de pourvoir à tous nos besoins matériels, à la condition que nous cherchions premièrement son royaume et sa justice (Mt 6.25-34). Par ailleurs, Paul encourage les chrétiens à résister aux fausses doctrines ainsi qu'aux faux docteurs, et à rechercher dans la piété le contentement (1 Tm 6.6-8). Il en est de même de l'auteur de l'épître aux Hébreux (Héb 13:5).

Pierre-Joseph Laurent observe : Avec la "théologie de la prospérité", nous sommes en présence d'une religiosité populaire où s'affirme l'idée d'endetter la divinité à travers des dons, et plus précisément des dons rusés (silim kouni en mooré) avec l'espoir de recevoir plus un jour. Et dans ce sens, la "théologie de la prospérité" s'apparente à la formule "do ut des", du donner pour recevoir. . . . En d'autres mots, plus on donne et plus on gagne en bénédiction. A contrario, ne pas donner à Dieu égalerait à donner au diable.


Pierre-Joseph Laurent perçoit également les changements intervenus dans les années 1990 au Burkina Faso, en ville plus qu'en campagne, qui se produisent à l'instigation des fidèles ou de jeunes pasteurs non encore établis sous forme de cultes enflammés par les manifestations de plus en plus nombreuses de l'Esprit, ou de l'apparition de cultes de délivrance animés par des croyants-guérisseurs exerçant leurs dons à la lisière de l'Église instituée. En bref, Laurent voit en cela une néo-pentecôtisation des AD, qui résulte plus des fidèles que de l'élite, laquelle perçoit ce processus à la fois comme une contestation interne, une perte de contrôle sur les destinées de l'Église et un risque de segmentation. Il souligne, dans son ouvrage sorti en 2003, que : Pour le président des AD, la "théologie de la prospérité" ne peut pas fonctionner au Burkina Faso car cette croyance stigmatise la pauvreté.


Le Pasteur Philippe Ouédraogo estime, quant à lui, que la "théologie de la prospérité" constitue une dérive dans la mesure où elle ne figure pas dans la Bible. Le refus de la "théologie de la prospérité" s'appuie sur la récusation de la liaison de la pauvreté au péché. Dans un même ordre d'idée, les responsables de l'Église opposent la même désapprobation à l'idée de reconnaître dans l'enrichissement d'une personne la preuve de l'élection divine.

Il n'en demeure pas moins que, dans la croyance populaire et dans les églises AD, la réception d'un don ou d'une réussite quelconque est conçue comme une bénédiction divine. Il est donc difficile de faire la différence entre les deux. On peut même se demander si le fait pour les croyants de donner la dîme ou des offrandes conséquentes n'est pas un moyen d'attirer la bienveillance de la divinité, ou son pardon pour quelque faute commise.


De nos jours, de nombreux prédicateurs de l'évangile de la prospérité roulent en Rolls Royce ou d'autres voitures hyperpuissantes, dernier cri. Ils voyagent en classe business ou en première classe ou encore possèdent leurs propres avions. Ils possèdent de grosses entreprises ainsi que des propriétés privées de plusieurs millions de dollars. Ces soi-disant « hommes de Dieu » donnent une mauvaise presse au Pentecôtisme. Leur message est le suivant : Si vous bénissez celui qui est béni, c'est-à-dire moi le pasteur, vous serez bénis à votre tour. Sans aller jusqu'à de tels extrêmes, nous devons reconnaître que nous vivons nous-mêmes de telles aberrations et que nous donnons un mauvais témoignage, très loin de l'Evangile de Christ. Aujourd'hui, la fortune personnelle de certains pasteurs, au sein de notre propre mouvement, vaut plusieurs millions de fois la fortune de beaucoup de leurs fidèles. Est-ce normal, quand on considère qu'ils ne sont pas nés avec ? Récemment, le « super-pasteur » de la plus grande église de Ouagadougou (qui ne fait pas partie des AD) amena un prédicateur de la prospérité dans son annexe de Koudougou. À la fin de son message, ce dernier commença à faire s'approcher tous ceux qui voulaient être bénis. D'abord ceux qui apportaient 500.000 francs, puis ceux qui donnaient 200.000, ceux de 100.000, etc. Les petits montants n'étaient pas acceptés. Seuls ceux qui déposaient de grosses sommes seraient bénis par Dieu. C'est désolant ! Comment peut-on être si naïf ? Et pourtant, dans nos églises, certains chrétiens donnent de grosses offrandes, dans l'espoir caché de recevoir de larges bénédictions en retour. Selon A. Brandon : L'évangile de la prospérité doit son succès foudroyant à l'efficacité de sa diffusion, mais aussi à d'autre facteurs : le goût de la nouveauté, la soif du miraculeux, le refus de la souffrance, le culte de la personnalité, la primauté de l'expérience sur l'enseignement de la Parole de Dieu. Enfin et surtout, son message chatouille les oreilles de l'homme moderne, ravi de se voir promettre ce qu'il recherche déjà comme valeurs suprêmes : la santé et la prospérité.


Ce ne sont pas les seules raisons. On peut évoquer d'abord le manque d'enseignement et de discernement du corps pastoral et des chrétiens, ainsi que toutes les fausses croyances qui circulent, liées soit à la tradition, soit à de fausses doctrines prêchées dans nos églises. Parmi elles, je pourrais citer le remplacement d'Israël par l'Église, avec pour conséquence l'attribution à cette dernière de toutes les promesses faites à Israël, y compris les notions de bénédictions et de malédictions, liées aux ancêtres ou à d'autres facteurs, qui polluent nos églises aujourd'hui.


Devons-nous accepter de dire, comme me le confiait un ancien président de notre mouvement, que certains de nos pasteurs ne sont pas convertis ? Faut-il avoir le courage d'avouer que nos églises sont remplies de membres irrégénérés. Préférons-nous faire l'autruche et fermer les yeux ? Que Dieu nous aide car, à la fin, c'est lui qui nous jugera.


William Luj



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