Q : La crainte est-elle une bonne ou une mauvaise chose ?
A : Bien souvent, l’Écriture considère clairement la peur comme une mauvaise chose dont le Christ est venu nous délivrer. L’apôtre Jean écrit : « La crainte n’est pas dans l’amour, mais l’amour parfait bannit la crainte ; car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n’est pas parfait dans l’amour. »
D’un côté, la Bible nous enseigne que Christ nous délivre de nos craintes. D’un autre côté, elle nous enseigne que nous devons craindre, et craindre Dieu, rien de moins. Cela pourrait nous décourager et nous pourrions souhaiter que cette « crainte de l’Éternel » ne soit pas aussi proéminente dans les Écritures. Nous avons assez de craintes comme cela, sans en rajouter, non merci. Et craindre Dieu semble tellement négatif, qu’on a l’impression que cela ne colle pas avec le Dieu d’amour et de grâce que nous découvrons dans l’Évangile. Pour quelles raisons un Dieu digne d’être aimé voudrait-il être craint ?
Je veux que vous puissiez vous réjouir parce que l’Évangile nous libère de la crainte et paradoxalement, il nous demande en même temps de craindre. Il nous libère de nos craintes, celles qui nous handicapent, et à la place, il nous donne une crainte la plus délicieuse, joyeuse et merveilleuse qui soit. Et je voudrais aussi clarifier cette expression souvent considérée comme rebutante, « la crainte du Seigneur », afin de montrer à travers la Bible que pour les chrétiens, cela ne signifie pas avoir peur de Dieu.
Q : Pourquoi la culture de la peur est-elle si forte aujourd’hui ?
A : Puisque la société a oublié que Dieu est l’objet adéquat d’une saine crainte, notre culture devient nécessairement de plus en plus névrosée, plus anxieuse vis-à-vis de l’inconnu, et, effectivement, plus anxieuse à propos de tout et de n’importe quoi. Sans les soins providentiels d’un Père bienveillant, nous nous retrouvons totalement chancelants lorsque nous avançons sur les sables mouvants de la moralité et de la réalité. Après avoir évincé Dieu de notre culture, les autres préoccupations, de notre santé individuelle à celle de notre planète, ont endossé le rôle de divinité suprême dans nos esprits. De bonnes choses sont devenues des idoles cruelles et impitoyables. Alors nous nous sentons désespérément fragiles. Puisqu’elle n’est plus ancrée dans rien, la société se remplit d’angoisses flottantes.
Q : La peur peut-elle être un péché ?
A : Cette crainte pécheresse de Dieu est celle dont Jacques parle lorsqu’il dit que les démons croient et tremblent (Ja 2.19). C’est la crainte dont Moïse voulait débarrasser Israël au mont Sinaï. C’est la crainte qu’éprouvait Adam quand il a péché pour la première fois et qu’il cherchait à se cacher pour que Dieu ne le trouve pas (Ge 3.10). Adam a été le premier homme à ressentir cette peur, et sa réaction à ce moment précis nous montre sa nature inhérente :
la crainte pécheresse nous éloigne de Dieu. C’est la crainte de l’incroyant qui hait Dieu, celui qui reste rebelle dans son cœur et qui craint d’être exposé comme pécheur, alors il s’enfuit loin de Dieu.
C’est la crainte de Dieu qui est à l’opposé de l’amour pour Dieu. C’est la crainte qui s’enracine plutôt au cœur du péché. Cette peur redoute Dieu, s’oppose à lui et se retire loin de sa présence ; elle donne naissance au doute qui rationalise l’incrédulité.
Q : La crainte de Dieu est-elle une idée morose ou mélancolique ?
A : Cette juste crainte de Dieu n’est donc pas un mineur, l’envers lugubre de la joie appropriée en Dieu. Il n’y a aucune tension entre cette crainte et la joie. Cette « crainte de Dieu », avec les tremblements qui l’accompagnent, est une façon de parler de l’intensité absolue du bonheur que les saints éprouvent en Dieu. En d’autres termes, le thème biblique de la crainte de Dieu nous aide à comprendre quelle sorte de joie convient le mieux aux croyants. Notre désir pour Dieu et le plaisir que nous trouvons en lui ne sont pas censés être tièdes. Puisque notre amour pour Dieu est un amour tremblant et émerveillé, notre joie en Dieu, dans sa forme la plus pure, est une joie tremblante et émerveillée – oui, une joie remplie de crainte. Car l’objet de notre joie est extrêmement et terriblement merveilleux.
Nous sommes faits pour nous réjouir et trembler devant Dieu, pour l’aimer et prendre plaisir en lui, avec l’intensité qui convient.
Q : Y aura-t-il de la crainte en enfer ?
A : L’enfer, la destination de tous les incroyants, sera un endroit terrifiant. La mort est « le roi des terreurs » (Job 18.14), et l’enfer sera un lieu de mort éternelle. Ce sera la plus horrible fosse de craintes pécheresses, où tous partageront un même sentiment de terreur de la sainteté. Là, comme les démons qui croient et qui tremblent (Ja 2.19), ses occupants haïront Dieu et la lumière révélatrice de sa gloire. Devant lui, « tous les cœurs s’alarmeront, toutes les mains deviendront faibles, tous les esprits seront abattus, tous les genoux se fondront en eau… » (Éz 21.12). Tout comme les rois de la terre demanderont aux montagnes et aux rochers : « cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône » (Ap 6.16), en enfer, ils aspireront à être cachés. « C’est une chose terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant » (Hé 10.31). Et ce sera vrai pour tous ceux qui seront en enfer, mais aucun ne se sera tourné vers lui. Ils seront comme les pécheurs terrifiés dans Sion, ceux qu’Ésaïe décrit : Un tremblement saisit les impies : Qui de nous pourra rester auprès d’un feu dévorant ? Qui de nous pourra rester auprès de flammes éternelles ? (És 33.14.)
Le péché a d’abord fait du monde un lieu rempli de crainte, et l’enfer en est le point culminant : un lieu où les craintes ne sont jamais soulagées, et où la crainte pécheresse atteint son sommet.
Q : Y aura-t-il de la crainte au paradis ?
A : En 1738, Jonathan Edwards a prêché une série de sermons sur 1 Corinthiens 13, une série qu’il a conclue par cette observation : « Le paradis est un monde d’amour . » Il aurait aussi pu dire que le paradis est un lieu de crainte, car l’amour qu’il décrit ici est une joie extatique remplie de crainte et d’émerveillement. Au ciel, les saints, a-t-il dit, seraient comme une « flamme de feu avec l’amour ». L’enfer est l’égout terrifiant de toutes les craintes pécheresses, et le ciel est le paradis où la crainte filiale et heureuse est illimitée et maximale.
En ce moment même, le paradis est le lieu où réside cette joyeuse crainte. « Les colonnes du ciel s’ébranlent » (Job 26.11). Pourquoi ? Parce que c’est la demeure de « la Frayeur » : « Dieu est terrible dans la grande assemblée des saints, il est redoutable pour tous ceux qui l’entourent » (Ps 89.8).
Là-haut, les saints prennent plaisir à le craindre, parce qu’ils le voient clairement. Ils tremblent devant lui parce qu’il est le Créateur : Tu domptes l’orgueil de la mer ; quand ses flots se soulèvent, tu les apaises. Tu écrasas l’Égypte comme un cadavre, tu dispersas tes ennemis par la puissance de ton bras. C’est à toi qu’appartiennent les cieux et la terre, c’est toi qui as fondé le monde et ce qu’il renferme (Ps 89.10-12).
Michael Reeves
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